Sujet du nouveau documentaire sur Netflix American Symphony, le musicien américain Jon Batiste expose le contraste entre son succès stratosphérique et la réalité crue de la lutte de son épouse Suleika Jaouad contre une leucémie. Le documentaire, disponible dès à présent sur la plateforme de streaming, s’invite de manière intime dans la vie du couple, elle écrivaine, lui jazzman et compositeur oscarisé et aux cinq Grammys.

«Je voulais qu’il ne montre pas seulement le processus artistique, mais également ce qui est requis pour atteindre un niveau de grandeur artistique», assure Jon Batiste dans un entretien à l’AFP. «Une leçon à laquelle nous ne nous attendions pas, c’est également celle de la créativité comme mécanisme de survie», ajoute le musicien.

Le film est né comme un documentaire assez classique sur comment Jon Batiste comptait créer et jouer une symphonie pour une seule soirée, en s’inspirant de musiques venant d’à travers le monde. Mais le projet s’est transformé soudainement lorsque Suleika Jaouad a appris le retour de son cancer, après quasiment 10 ans. Le résultat filmé donne tout à la fois une histoire d’amour, une réflexion sur la maladie, une chronique de vie de famille, et un examen du processus créatif lui-même.

Suleika Jaouad, une autrice à succès, tenait déjà une chronique dans le New York Times sur sa première bataille contre le cancer. Cette fois-ci, pendant sept mois, les caméras ont suivi Jon Batiste lors de répétitions, d’insomnies, de séances avec son psychologue, ou encore ses visites d’hôpitaux où était soignée Suleika Jaouad.

«Permettre à la caméra d’être présente dans ces moments sacrés de nos vies, c’était de la négociation en direct», se souvient le musicien. À la même période, son album We Are récolte le plus de nominations aux Grammys en 2022, avant de gagner la récompense de «meilleur album de l’année», notamment devant Taylor Swift ou Kanye West. Mais à son retour de Las Vegas avec ses cinq Grammys en poche, Suleika Jaouad était de nouveau à l’hôpital, luttant contre les effets de la chimiothérapie et d’une seconde greffe de moelle osseuse.

Un passage fort en émotion du documentaire montre Jon Batiste sur scène devant une salle comble lors d’un récital de piano. Il dédie le morceau suivant à son épouse avant de s’arrêter pendant une minute entière, les doigts sur les touches du piano, avant une improvisation à l’émotion brute.

Le documentaire, produit par la société de production du couple Obama, figure parmi les favoris à l’Oscar du meilleur documentaireen mars prochain. L’auteur-compositeur est déjà oscarisé pour sa bande-originale de Soul, le film d’animation des studios Pixar.

De formation classique, issu d’une dynastie musicale de la Nouvelle-Orléans, Jon Batiste a d’abord accédé à la notoriété comme leader du groupe jouant dans le populaire talk-show télévisé de Stephen Colbert. Sa célébrité est passée à un niveau supérieur avec le succès de We Are, et moins de deux ans plus tard, le jazzman est nommé pour six nouveaux Grammys en 2024 avec son album World Music Radio. Le titre Butterfly, écrite pour son épouse lorsqu’elle était à l’hôpital, est également nommé pour le Grammy de la meilleure chanson de l’année. Jon Batiste est le seul artiste masculin nommé dans la catégorie album de l’année, aux côtés de Taylor Swift, Olivia Rodrigo, ou du groupe boygenius.

Selon lui, il partage avec ces artistes un intérêt pour «la musique vraie», quand les musiciens sont «dans la même pièce, respirent le même air», plutôt que de se reposer sur la technologie et des sons produits par ordinateur. Olivia Rodrigo remet ainsi sur le devant de la scène «un certain style “old school” d’écriture de chansons», estime Jon Batiste, tandis que Billie Eilish est «la voix de son époque», et que boygenius représente un «retour à une dynamique de groupe et une camaraderie fondée sur des valeurs partagées».

Mais pour Jon Batiste, le plus important pour la cérémonie des Grammys en février, c’est celle qui sera cette fois-ci à son bras. «Elle va bien, et elle sera capable d’assister aux Grammys avec moi», dit-il à propos de son épouse. Le compositeur se réjouit «de fêter cet album et cette chanson, mais aussi d’être présent, avec elle cette fois. La boucle est bouclée.»