«Étonnée» et «ravie», la Britannique Posy Simmonds, qui a remporté à 78 ans en France le prestigieux Grand Prix d’Angoulême de la bande dessinée, savoure son succès et confie à l’AFP travailler à un nouveau roman graphique, où il sera question de femmes évidemment. Retenue au Royaume-Uni par un mal de dents, la dessinatrice n’a pu se rendre dans la cité angoumoisine mercredi récupérer son prix, dont le jury a souligné «l’oeuvre originale» dans le paysage du roman graphique.
«J’étais d’abord étonnée et puis j’ai dit “wow”, je pense qu’en français vous dites “époustouflée” (…) et bien sûr j’étais vraiment ravie», raconte-t-elle en recevant l’AFP dans le studio où elle travaille, une petite pièce remplie de livres, de crayons et de dessins, dans son appartement du centre de Londres.
À lire aussiFestival d’Angoulême: découvrez les cases de 42 albums de la sélection officielle décryptées par leurs auteurs
Elle est la cinquième femme à recevoir la récompense, attribuée par un vote où peuvent s’exprimer tous les auteurs de BD publiés au moins une fois en français. «Dans mon monde idéal, le sexe ou le genre de quelqu’un qui gagne un prix ne devrait pas être remarquable…. mais nous ne sommes pas dans un monde parfait», dit l’autrice, devenue célèbre en France pour Gemma Bovery, adapté du roman Madame Bovary de Gustave Flaubert. Si la bande dessinée a longtemps été «un club d’hommes», «ces dernières années, les femmes l’ont infiltrée et je suis ravie d’être l’une d’entre elles», ajoute-t-elle.
Cette amoureuse de la France où elle a étudié et qui parle donc la langue de Molière juge également «assez extraordinaire» d’être la première Britannique sacrée à Angoulême. «C’est parce qu’au Royaume-Uni, nous sommes à la traîne de la France» en termes de BD, estime-t-elle, racontant qu’elle s’enthousiasme, lorsqu’elle se rend en France, de voir dans les librairies «des adultes qui lisent des BD et des enfants à leurs pieds qui en lisent aussi».
À lire aussiPosy Simmonds, lady de la BD anglaise, sacrée grand prix à Angoulême
Outre-Manche, Posy Simmonds est surtout connue pour ses dessins de presse dans le quotidien The Guardian, avec lequel elle collabore depuis 1972. Elle y a longtemps moqué avec une ironie acerbe la bourgeoisie de gauche britannique, et ses femmes en particulier.
Son premier roman graphique, Gemma Bovery, était d’ailleurs une commande du journal qui lui avait demandé une série de 100 épisodes. Mais comme elle avait beaucoup de choses à raconter, Posy Simmonds a décidé d’accompagner ses dessins de nombreux et longs textes. Cela deviendra sa marque de fabrique dans les romans graphiques qui suivront comme Tamara Drewe ou Cassandra Darke. «Vous pouvez dire en trois lignes des choses qui se sont produites dans le passé (…) vous n’avez pas besoin de le dessiner. Ça m’a aussi permis d’avoir différentes voix dans les livres, pour voir l’histoire à partir de différents angles. Et je pense que ça a ajouté de la profondeur», décrypte-t-elle. Autre constante de son œuvre: des personnages de femmes au caractère bien trempé que ce soit Gemma, bien sûr, Anglaise qui trompe son mari dans la campagne normande, ou Cassandra, vieille Londonienne acariâtre qui se défend bec et ongles contre l’adversité.
Du haut du douzième étage de sa tour londonienne, bien loin de la campagne du Berkshire d’où elle est originaire, Posy Simmonds travaille désormais à un nouveau livre. Il y sera question encore d’émancipation féminine. «Je voulais examiner les années 1959, 1960, 1961, 1962, avant la pilule et avant les Beatles», peut-être la dernière période contemporaine à être devenue «un peu démodée». Les croquis qu’elle trace à l’encre rouge laissent apercevoir des voitures de cette époque et des femmes dont l’allure n’a pas encore été libérée par les Swinging Sixties. Posy Simmonds a aussi mis de l’ordre dans ses archives. Elles iront bientôt dans un musée d’Oxford.