Il y a foule devant le théâtre de la Pépinière à Paris. Une dame présente «le médecin de Françoise Fabian». «Quand on a une passion, il ne faut jamais l’abandonner», prescrit le docteur à un ami. Évelyne Buyle salue une connaissance, Claude Lelouch est rejoint par sa femme l’écrivaine Valérie Perrin, Salomé, sa fille, soulève son chapeau en regardant Jean-Michel Ribes qui retire le sien. «Hommage», lui lance-t-elle. «Pardon Madame, s’excuse Charles Berling, il vaut mieux enlever son manteau avant de s’asseoir…».
Frédéric Arditi, le fils de Pierre Arditi, né de son union avec la comédienne Florence Giorgetti, s’installe à ses côtés. Puis, Jean-Claude Houdinière, le producteur tout sourire, certain de passer une bonne soirée. Comme Jean-Paul Bordes et Sébastien Castro. Lisa Martino ne quitte pas Stéphane Hillel.
Pull et pantalon noirs, Pierre Arditi fait son entrée sur la musique des Rois du monde, la chanson de la comédie musicale Roméo et Juliette. «C’est consternant, une chanson de shampouineuse», observe-t-il hilare. Puis s’accroche à la servante, la lampe des théâtres qui veille quand ils sont désertés.
«La lecture, c’est l’essence même de mon métier», confie le comédien de 79 ans. «Quand nous étions petits Catherine et moi, notre tante Denise, nous lisait des histoires de Cigale écrites par Paul d’Ivoi. Quand on lui demandait la suite, elle répondait : “Vous l’aurez demain”. Ça fait soixante ans que je raconte des histoires. Ce soir, je serai votre tante Denise!».
Avant de s’asseoir derrière une table où est posé un verre d’eau et de chausser sa paire de lunette, Pierre Arditi rassure le public qui n’a pas oublié les trois malaises dont il a été victime fin 2023. «Ça va, ça va mieux, normalement, cette fois-ci, je vais aller jusqu’au bout», s’esclaffe-t-il, malicieux. La salle rit.
«Je bois une gorgée d’eau pour éliminer le stress, prévient-il en s’installant, ses notes sous les yeux. Je vais vous lire deux ouvrages de Jean-Michel Ribes. “Les mots que j’aime” et “Mille et un morceaux”.» Dans le second, l’ancien directeur du théâtre du Rond-Point se raconte à travers des anecdotes savoureuses. «Il ne se casse pas le bonbon», se moque Pierre Arditi en lui jetant un regard affectueux.
L’acteur convoque les ombres de Topor, Jean le Poulain, Jacques Villeret, Antoine Vitez, Ionesco, … Plié en deux, il se gifle à deux reprises : «Arrête, ce n’est pas toi qui dois rire, ce sont eux.» Il lit ensuite un texte de Yasmina Reza, Heureux les heureux qui relate une inénarrable scène de ménage dans un supermarché entre Odile et Robert. «Elle brosse le portrait d’êtres humains qui nous ressemblent», observe Pierre Arditi qui a eu la chance, rappelle-t-il, de jouer sa pièce Art.
À la fin, un tonnerre d’applaudissements salue sa lecture. «Je ne suis pas encore mort, si vous dites à vos amis que je suis encore capable de jouer quelque chose, ça me rendrait service. Vous êtes le meilleur médicament du monde, je vous remercie.»