19h30, sous la verrière du Jardin d’hiver du palais de l’Élysée revisitée par Daniel Buren. Emmanuel Macron est en retard. «Il m’avait prévenu, l’excuse Pierre Arditi. Il m’a conseillé de prévenir mes invités. Mais prévenir quarante personnes, ce n’est pas évident.» En ce lundi soir, le président de la République doit remettre les insignes de commandeur de l’Ordre national du Mérite au comédien. «Il faut dire qu’il a d’autres préoccupations en ce moment», observe l’un des participants.
Des chaises blanches sont alignées devant le pupitre, où le chef de l’État va prononcer son discours. Une brigade de serveurs tient à la disposition des convives des verres d’eau minérale. Les mains dans le dos, l’acteur fétiche d’Alain Resnais discute longuement avec Bernard Cazeneuve, l’ancien premier ministre socialiste. «Pour patienter, Pierre pourrait faire la lecture qu’il donne à La Pépinière théâtre en ce moment», suggère, amusé, le directeur de la salle Montparnasse, Bertrand Thamin.
En attendant, Catherine Arditi discute avec son neveu, l’artiste peintre Frédéric Arditi et avec le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus. Évelyne Bouix de son côté est en grande conversation avec l’écrivaine Valérie Perrin, la femme de Claude Lelouch. Salomé Lelouch, que Pierre Arditi a élevée, est absente : la jeune maman s’occupe de sa fille malade. Agathe Natanson présente le livre qu’elle vient de publier, Chantons sous les larmes, un recueil de lettres adressées à son cher mari Jean-Pierre Marielle.
Lorraine Lévy, qui a dirigé Pierre Arditi dans Clemenceau, et Lissa Pillu, la productrice de la série à succès Le Sang de la vigne, parlent de sa générosité. Nathalie Saint-Cricq et Patrice Duhamel sont là, tout comme Sylvie Fennec et François Marthouret. Le décorateur Nicolas Sire annonce que Le Menteur de Molière va reprendre au Poche Montparnasse.
Pierre Arditi salue tout le monde. «Ça me touche que vous soyez là, vous êtes des intimes, je vous aime», lance-t-il. Il se moque de lui: « On donne des décorations aux vieillards!», fait mine d’avoir un malaise. Veste et pantalon crème, Anne Sinclair sourit. En rose, Roselyne Bachelot pouffe. Enki Bilal, le dessinateur, auteur du décor de La vie est un roman d’Alain Resnais, et sa compagne croisent Isabelle de la Patellière, l’agent de Catherine et Pierre Arditi. Cyril Gely dont l’acteur jouera la prochaine pièce avec Ludmila Mikaël en janvier plaisante avec la comédienne. «Ça va ?», demande Adrien de Van, le directeur du théâtre de La Villette. «C’est très touchant de voir Emmanuel Macron consacrer toute la soirée, il a d’autres choses à faire», remarque Tristan Petitgirard, le metteur en scène de La Machine de Turing.
«Je vous invite à vous asseoir, le président va arriver», annonce-t-on. Son aide de camp informe : «Je suis là pour assister le président lors de la remise des insignes.» Fausse alerte. La cérémonie prévue à 19 heures ne commencera pas avant 20 heures 40. Emmanuel Macron fait finalement son entrée d’un pas rapide, embrasse chaleureusement Pierre Arditi. Il est suivi de Brigitte Macron, qui se précipite pour faire la bise à Évelyne Bouix, puis à Catherine et Frédéric Arditi. «Je vous prie de pardonner mon retard», explique le président.
Les yeux plongés dans ses notes, Emmanuel Macron revient sur la vie du comédien, cite Jean Anouilh. «C’est très joli, la vie. Mais cela a un inconvénient, c’est qu’il faut la vivre.» Visiblement fan de Pierre Arditi, il rappelle ses débuts, les encouragements de sa sœur cadette qui l’a entraîné au cours de Tania Balachova, convoque les ombres de Marcel Maréchal, son «père de théâtre» et Alain Resnais, son «père de cinéma».
«Vous n’avez encore rien vu, c’est ce que vous semblez nous dire, reprend Emmanuel Macron en regardant Pierre Arditi et en oubliant ses notes. «Dans Il fallait pas le dire!, la comédie de Salomé Lelouch que vous avez jouée avec Évelyne Bouix, on a vu deux instruments qui s’accordent à merveille. Avec Lapin, vous nous avez doublement tenus en haleine!». Le président de la République fait référence aux malaises de l’acteur fin 2023. Le «public» rit.
«On peut se poser une question: pourquoi Pierre Arditi n’est pas démodé ? Au fond vous n’avez jamais joué votre époque, vous avez joué des rôles intempestifs. Vous êtes devenu un style, intemporel», répond Emmanuel Macron. «Il n’a pas fait un discours, il a fait une déclaration d’amour», s’esclaffe Pierre Arditi ému. «Vous restez pour dîner, bien sûr ?», propose ensuite Brigitte Macron. Le repas s’achèvera par une visite de la cave de l’Élysée.