Une église fermée pour cause de fissures, une autre victime d’infiltrations d’eau: à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), comme dans beaucoup de communes de France, les édifices religieux du XXe siècle se détériorent et peinent à financer leur rénovation. Avec son clocher rappelant un minaret et sa façade au décor chinois et sa toiture de pagode, l’église Notre-Dame-des-Missions-du-cygne-d’Enghien est sans doute l’une des plus originales d’Île-de-France. Mais le bâtiment, construit à la gloire de la conquête missionnaire pour l’Exposition universelle de 1931, a dû fermer du jour au lendemain début octobre, des fissures faisant craindre l’écroulement des voûtes du porche. «Les experts estimaient que ça pouvait arriver dans dix ans comme dans la semaine», raconte à l’AFP Jean-Baptiste Dupuis, économe diocésain de Seine-Saint-Denis.
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Depuis, des étais ont permis de rouvrir l’église. Une solution provisoire avant les réparations, même si le bâtiment principal n’est pas a priori menacé: «on sait déjà que ce sera des centaines de milliers d’euros», soupire Jean-Pierre Gaspard, directeur général des Chantiers du cardinal, association qui aide la construction et l’entretien d’édifices religieux en Île-de-France.
Un peu plus loin c’est l’église Saint-Patrice, face aux tours de la cité d’Orgemont, qui crie misère, les portes grandes ouvertes pour permettre à l’humidité de s’évacuer. «Les infiltrations d’eau sont telles que le compteur a sauté il y a quinze jours, avec un départ de feu. L’expert nous a dit, vous avez eu de la chance. Mais on n’ose pas remettre le chauffage depuis», raconte le père Désiré Zanté, curé de la paroisse. Une bâche a été posée sur ce bâtiment carré, au béton typique des années 1960. Là aussi, la facture s’annonce faramineuse, autour de 400.000 euros.
Or ces édifices ont été construits après la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État: ils appartiennent au diocèse de Seine-Saint-Denis qui en possède 72 au total. Un défi dans ce qui reste l’un des départements les plus pauvres de France: «À la quête, ici, il y a encore des pièces jaunes dans le panier…», rappelle le père Zanté. Ces églises ne pourront pas non plus bénéficier de la souscription pour le patrimoine religieux lancée par Emmanuel Macron, destinée aux communes de moins 10.000 habitants. «La France entière est derrière les petites églises de village, et c’est très bien, mais il ne faut pas oublier celles-ci», construites au XXe siècle pour accompagner l’urbanisation, car «elles sont pleines et nécessaires», souligne Jean-Pierre Gaspard.
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Depuis leur fondation en 1931, les Chantiers du Cardinal, qui vivent de dons, ont construit 330 églises – trois autres sont en chantier à Chelles, Montigny-le-Bretonneux et au Val d’Europe. «Une construction, c’est 10 millions d’euros minimum», explique Jean-Pierre Gaspard, qui constate qu’avec un budget de 4 à 5 millions d’euros annuels, son association «a beaucoup plus de besoins que de ressources». D’autant que, avec des donateurs vieillissants, un public pas toujours conscient des subtilités de financement des églises post-1905, «on est dans une baisse régulière du montant de notre collecte, alors que nos besoins explosent», ajoute-t-il. La crise des violences sexuelles dans l’Église n’a sans doute pas aidé non plus à la générosité.
Mais les rénovations restent nécessaires, alors que les églises se dégradent, victimes de trois facteurs: affaissements de terrain, dommages aux toitures (qui concernent une cinquantaine d’églises en Île-de-France) et effritement des matériaux vieillissants. C’était le cas à l’église Notre-Dame du Raincy, chef-d’œuvre de béton dû aux frères Auguste et Gustave Perret, et qui voyait des écailles se détacher du clocher jusqu’à sa rénovation achevée en mars.
Une large part du financement est venue de subventions publiques, l’édifice étant classé «monument historique» – elles ne sont que deux églises post-1905 dans ce cas en Seine-Saint-Denis, avec Notre-Dame-des-Missions. Aussi Jean-Pierre Gaspard se félicite-t-il de la volonté affichée d’Emmanuel Macron de favoriser le classement d’édifices des XIXe et XXe siècle. «Il y a une prise de conscience au sommet de l’État que le patrimoine religieux du XXe siècle n’est aidé que par la générosité publique», estime-t-il.