Qui succédera au raz-de-marée Everything, Everywhere All At Once ? En lice à 13 reprises, Oppenheimer est donné gagnant dans les sections reine . La 96e édition de la grand-messe hollywoodienne a débuté lundi à minuit à Los Angeles, mais pour nombre d’experts le palmarès est couru d’avance.

Cela a notamment été le cas pour les second rôles. Da’Vine Joy Randolph a triomphé chez les femmes grâce à sa performance de mère endeuillée dans la comédie douce-amère de Noel Winter Break. La victoire de l’actrice afro-américaine de 37 ans faisait peu de doute. Elle avait remporté tous les prix précurseurs : SAG awards, Golden Globe, Bafta. De même pour Robert Downey Jr, couronné pour son rôle d’opposant à Oppenheimer.

Cette victoire offre son premier trophée au blockbuster de Christopher Nolan, qui est en lice dans 13 catégories. Il a très vite été suivi de prix supplémentaires : celui du montage et de la photographie. Mais le record de Titanic et du Seigneur des Anneaux, lauréat d’un nombre record d’onze Oscars, n’est plus à portée de main. Pauvres créatures a fait une razzia sur les catégories techniques. Damant le pion à Barbie et Oppenheimer.

Pari gagné pour Justine Triet qui débute bien la soirée. Elle rapportera une statuette à la maison. En lice dans cinq catégories, sa palme d’or Anatomie d’une chute a remporté l’Oscar du meilleur scénario. C’était la catégorie la plus jouable pour la palme d’or. La seule où le drame judiciaire ne faisait pas face au rouleau compresseur Oppenheimer. «Merci beaucoup. Cette Oscar va m’aider à traverser la crise de la quarantaine», a lancé la réalisatrice française, «le glamour de ce soir tranche avec les débuts de ce film conçu en plein confinement. Pour écrire, nous avons dû mettre nos enfants devant la télé. Il n’y avait pas de frontière entre les couches et le travail».

La statuette de la meilleure adaptation a couronné la satire American Fiction de Cord Jefferson, portrait tranchant du monde de l’édition qui vient de sortir sur Amazon et qui avait également triomphé aux Bafta britanniques. Le réalisateur a exhorté Hollywood «à faire 20 films à 10 millions de dollars qu’un à 200 millions. j’ai ressenti tellement de joie en faisant ce film. Et je veux que d’autres personnes ressentent cette joie et qu’elles arrivent ici. Je vous promets que le prochain Martin Scorsese est là. »

Le film britannique La Zone d’Intérêt a remporté l’Oscar du meilleur film international, grâce à sa chronique glaçante sur la vie insouciante d’une famille de Nazis, paisiblement installés dans leur villa jouxtant le camp d’Auschwitz. Sa star Sandra Hüller ne cachait pas ses larmes face à cette victoire. Dans le premier discours politique de la soirée, le réalisateur a rendu hommage aux victimes israéliennes du 7 octobre et aux habitants de Gaza. «Dans ce film, tous les choix ont été faits pour nous confronter au présent. Le film montre où nous mène la déshumanisation. Les victimes du 7 octobre, les victimes des raids de Gaza sont des victimes de deshumanisation».

En recevant l’Oscar du meilleur documentaire, le réalisateur ukrainien de 20 jours à Marioupol Mstyslav Chernov a pointé :« C’est le premier Oscar dans l’histoire de l’Ukraine. Et je suis honoré. Mais j’aurais aimé ne jamais avoir fait ce film. Je souhaiterais pouvoir échanger cela contre le fait que la Russie n’ait jamais attaqué l’Ukraine, n’ait jamais occupé toutes ces villes. Nous pouvons faire en sorte que les pendules de l’histoire soient remises à l’heure et que la vérité prévale et que les habitants de Marioupol et ceux qui ont donné leur vie ne soient jamais oubliés. Parce que le cinéma crée des souvenirs et les souvenirs créent l’histoire».

Des surprises ont quand même eu lieu, Le Garçon et le Héron de Hayao Miyazaki et Toshio Suzuki a raflé l’Oscar du meilleur film d’animation devançant le favori Spider-Man : Across the Spider-Verse. Leurs compatriotes de Godzilla : Minus One ont remporté la statuette des meilleurs effets spéciaux.

En lice dans 11 sections, la version féminine de la créature de Frankenstein Pauvres créatures a fait main basse sur les catégories techniques avec les statuettes des meilleures coiffures et maquillage, meilleurs décors, meilleurs costumes.

Jimmy Kimmel a ouvert les festivités en rejouant une scène de Barbie. Avant d’apparaître sur scène. « La soirée , comme cette année, va être longue », a-t-il lancé dans une allusion à la double grève des acteurs et scénaristes qui a paralysé Hollywood. « Grâce à ce mouvement, on a appris qu’Hollywood, ville égoïste, était une ville syndiquée, pas faite que de botox et des lattes». Il a fait monter sur scène, sous les applaudissements tous ceux qui ont tenu les piquets de grève, notamment les techniciens qui doivent renégocier leur contrat. Jimmy Kimmel leur promet ce soir des heures sup’

Le maître de cérémonie s’est lancé dans sa traditionnelle présentation des films en lice. « Bravo à Greta Gerwig qui a rendu Barbie à nouveau populaire. Avant le film, ma femme aurait préféré un paquet de cigarettes à notre fille. Ryan Gosling et Margot Robbie, si vous ne gagnez pas ce soir, sachez que vous avez gagné à la loterie génétique ». Pour Oppenheimer, Jimmy Kimmel s’est amusé à mal prononcé le nom de Cillian Murphy et a salué « un des points culminants » de la carrière de Robert Downey Jr. « Il y a 20 ans, tu jouais un méchant face à Tim Allen et son chien. Si on fait un remake, voici Messi, on n’avait pas vu un acteur français manger aussi bien son vomi depuis Gerard Depardieu ». « Killers Of The Flower Moon est si long que vous avez le temps de vous rendre en Oklahoma et résoudre les meurtres des Osage ».

« Bradley Cooper nommé pour Maestro a encore emmené sa maman, à partir de combien de foi peut-on dire qu’il prépare un film sur Freud ». « En 1976, Robert de Niro et Jodie Foster étaient nommés pour Taxi Driver. À l’époque, elle avait l’âge d’être sa fille. Maintenant, elle a vingt ans de trop pour être sa copine ». Jimmy Kimmel s’est arrêté sur Sandra Hüller, star de deux films étrangers Anatomie d’une chute et La zone d’intérêt, où elle joue une femme au foyer nazi. « En Allemagne on appelle ça une comédie romantique » a-t-il tenté. Une des nombreuses blagues pas très inspirées de l’animateur.

Le suspense sera à son comble en ce qui concerne le trophée de la meilleure actrice. Qui l’emportera entre Emma Stone, étonnante et sensuelle version féminine de Frankenstein dans Pauvres Créatures, et la révélation de Killers of the Flower Moon, Lily Gladstone ? Si la comédienne de Martin Scorsese triomphait, elle entrerait dans l’histoire du septième art comme la première lauréate amérindienne.

Malgré l’internationalisation de l’Académie des Oscars qui compte près de 10. 000 votants, il sera difficile à l’actrice allemande Sandra Hüller, qui incarne l’ambiguë romancière dans le film de Justine Triet, de créer la surprise. Même cas de figure pour Barbie . Le poids lourd du box-office a vu ses espoirs de médailles fondre comme neige au soleil. La comédie gentiment féministe sur la poupée Mattel récolte 8 nominations, dont celle de meilleur film, mais rien en mise en scène, ni pour sa star Margot Robbie. Ses chances de récolte semblent maigres et se limiter à l’Oscar de la meilleure chanson.

Ces Oscars, qui tentent de remonter leurs audiences, seront scrutés de près sur le dynamisme de leur scénographie. Cette année, la cérémonie est avancée d’une heure (dès minuit sur Canal ) pour fédérer le maximum de cinéphiles, y compris les couche-tôt. La présentation a été confiée à un vétéran de l’exercice, l’animateur Jimmy Kimmel, qui, en guise de bande-annonce a livré une parodie assez efficace de Barbie, avec l’aide de Ryan Gosling. Le Ken de Greta Gerwig poussera la chansonnette en direct et interprétera sur scène l’hymne de son personnage I’m Just Ken, entouré d’une troupe de 65 danseurs.