Installée non plus en ligne de bataille mais carguée à la poupe du musée sous un grand oculus où semblent flotter les ors de La Réale, la série des Vues des ports de France, due à Joseph Vernet (1714-1789), le plus talentueux des peintres de marine, a fait l’objet d’une restauration à Versailles. Au sein du château, dans les espaces dévolus au Centre de recherche et de restauration des musées de France.

«Ces grands formats n’étaient pas en mauvais état, explique Damien Bril en charge des peintures. Alix Laveau et l’équipe de sa société Arts Conservation International ont eu surtout pour tâche de remplacer les vernis qui avaient jauni. La difficulté était d’œuvrer simultanément. Cela afin de préserver la cohérence d’ensemble, comme l’harmonie des différents ciels ou la patine des cadres dorés.» Le résultat, fruit de plusieurs mois de travail, est là. La vie éclate dans ces scènes panoramiques, synthèses des horizons hollandais du Siècle d’or, des lointains romains de Claude Gellée et de la truculence du védutisme vénitien.

La commande passée en 1753 par Louis XV est aussi remarquable par son caractère documentaire. Tout un peuple s’active aux premiers plans, sur les criées, dans les corderies ou les arsenaux tandis que de fiers vaisseaux naissent, appareillent ou accostent. Sète, Antibes, Toulon, Marseille (où Vernet s’est figuré parmi les badauds, marins et négociants cosmopolites), La Rochelle ainsi que les estuaires de Bordeaux, Bayonne et Rochefort sont insensiblement magnifiés. Quais luxuriants avec leurs hôtels particuliers fraîchement construits, résultats de pêches et plus encore des denrées exotiques apportées. Arrière-pays généreux, symboles d’abondance. Et toujours ces immenses ciels iodés, puissants comme l’azur de France et bon à respirer comme autant de promesses d’aventures.

Coup de cœur pour Dieppe, village alors médiéval avec sa falaise et son havre gris argenté où la douce lumière se conjugue avec l’âpreté des flots de la Manche. Mais libre aux Méditerranéens ou aux amoureux de l’Atlantique de préférer leurs matins roses ou leurs grains capricieux. Ils sont là aussi. Le Louvre maintient donc son dépôt à long terme de treize de ces quinze vues, conservant une Entrée du port de Marseille et La Ville et la Rade de Toulon qui font doublon.

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En tout, Vernet devait réaliser vingt-cinq toiles. L’histoire et la mort l’ont arrêté. Mais son ensemble témoigne magistralement de l’ambition maritime française retrouvée. Et comme on le constate, son élève Jean-François Hue, commis par l’Assemblée constituante, a poursuivi l’entreprise.