Le communiqué, signé de la main de la ministre de la Culture, est tombé mercredi matin. Le pavillon des Sources, petit bâtiment où Marie Curie travaillait au cœur du Ve arrondissement de Paris, va être préservé alors que le projet de construction d’un campus de l’Institut Curie prévoyait sa destruction. «Le pavillon sera démonté et remonté pierre à pierre à quelques dizaines de mètres, de manière attenante au musée qui sera ainsi agrandi, annonce Rachida Dati. Le pavillon des Sources est à la convergence de deux grands enjeux : celui de la mémoire de la plus grande femme scientifique de la modernité, Marie Curie, et celui de l’avenir de la recherche sur le cancer, dont Paris est la première place en Europe. Ils ne s’opposent pas. Soutenir la recherche de demain c’est respecter les grands chercheurs en ayant le souci constant de prolonger leurs démarches de recherche.»

La solution trouvée, assez radicale, va prendre plusieurs mois à être exécutée : il va falloir dépolluer le bâtiment, le démonter, puis le remonter près du musée Curie déjà existant. Mais cette perspective doit être en mesure de mettre fin à une polémique qui dure depuis plusieurs semaines.

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L’Institut Curie, propriétaire des murs, a déposé en mars 2023 un permis de démolir pour le pavillon dans lequel le prix Nobel avait œuvré- par ailleurs considéré comme pollué. Il souhaite construire en lieu et place un bâtiment de cinq étages pour y installer «le premier centre de chimie biologique sur le cancer en Europe». L’institut a obtenu son permis de la mairie de Paris, le petit pavillon n’étant pas classé.

Aussitôt affiché dans l’espace public, le permis a créé une vague d’indignation, de la part des associations de sauvegarde du patrimoine, SOS Paris en tête. Si Marc Joliot, arrière-petit-fils de la double prix Nobel de chimie, assurait être favorable à la démolition du pavillon des Sources, au nom du «projet scientifique très important de recherche fondamentale sur le cancer, (…) plébiscité par le conseil scientifique de l’Institut Curie », les défenseurs du patrimoine se sont dressés contre la disparition de ce petit bâtiment symbolique.

«Le petit pavillon appartient au patrimoine vivant d’une France des Lumières, d’une France de l’égalité, soulignait une tribune publiée par Le Figaro, début janvier. À partir de la figure de Marie Curie, il y a un modèle exemplaire à proposer aux jeunes générations, aux jeunes filles qui s’interdisent de fouler une terre encore largement masculine, celle des sciences dites dures.» Parmi les signataires, Stéphane Bern ; l’animateur ne mâchait pas ses mots pour dénoncer le «scandale» que constituait à ses yeux le projet. «Je pense qu’Emmanuel Macron n’a pas conscience de la gravité de la situation, et je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne les tenants et les aboutissants de cette situation», expliquait-il au Figaro.

Mobilisés eux aussi, plusieurs élus d’opposition de la mairie de Paris, dont Rachida Dati. En octobre, cette dernière avait écrit à l’ancienne ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, pour lui demander l’inscription du site «à l’Inventaire des monuments historiques», tout en déplorant que la «préservation du patrimoine parisien» soit «trop peu prise en compte par la mairie de Paris dans les opérations d’urbanisme qu’elle autorise».

Devant l’émotion suscitée, la ministre de la Culture précédente, Rima Abdul Malak, avait annoncé in extremis la suspension des travaux de démolition en janvier et réclamé «deux mois» pour élaborer une «alternative». «Dans le domaine du patrimoine, je sais, chère Rachida, que tu vas veiller au destin du pavillon des Sources de Marie Curie», avait-elle déclaré, lors de la passation de pouvoirs avec Rachida Dati, le 12 janvier.

Voilà qui est fait, avec le plain et entier soutien de Sylve Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ainsi que celui de l’Institut Curie, qui avait suggéré ce démontage et remontage pierre par pierre, à ses frais. Quant aux associations de sauvegarde du patrimoine, elles ne semblent pas toutes convaincues par la solution envisagée. Histoire et Patrimoine estime, sur les réseaux sociaux que l’idée est «mauvaise» et qu’elle «trahit la cohérence de l’ensemble autour du jardin Marie-Curie».