«Du brutal, une blonde comac, un gugusse de Montauban, du grisbi, le mec du jus de pomme»… Les aficionados des Tontons flingueurs connaissent par cœur et répètent à l’envi les saillies stylisées et autres expressions argotiques du film réalisé par Georges Lautner. Le 27 novembre, ce cultissime polar parodique, inspiré du roman d’Albert Simonin Grisbi or not grisbi, a fêté son soixantième anniversaire, sans une ride.

Si le film doit beaucoup à la réalisation serrée et rythmée de Lautner,- qui aimait faire vivre les répliques dites par des acteurs aussi exceptionnels que Lino Ventura, Francis Blanche, Bernard Blier et consorts -, il doit aussi une grande part de son succès à la dévotion des «tontonmaniaques» admirateurs des dialogues de Michel Audiard, qui a réussi à faire parler des voyous presque comme des hommes du monde. Avec lui «l’homme de la Pampa savait (parfois) rester courtois».

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Le phrasé du «petit cycliste» n’a pas toujours plu aux critiques, surtout à la sortie du film en 1963. Mais depuis quelques années, devant un succès jamais démenti, les universitaires français les plus émérites, ceux de la Sorbonne donc, ont fini par essayer d’analyser les secrets de ces répliques audiardiennes distillées à fleurets mouchetés ou non selon le besoin de la scène. On sait, à titre d’exemple, que Michel Audiard choisissait d’écrire des dialogues courts, façon «bourre-pif» à Lino Ventura, alors qu’il privilégiait de donner des tirades longues à Bernard Blier, «l’éparpilleur façon puzzle».

Il serait impossible de rentrer dans le détail des débats souvent animés des professeurs de la Sorbonne qui ont âprement décortiqué tout ce qui a fait que cette adaptation très libre du roman d’Albert Simonin Grisbi or not Grisbi est devenue en six décennies le film culte par excellence. Mais pour résumer, on peut dire que Les Tontons flingueurs sont la somme du talent de cadreur et de metteur en scène de Georges Lautner, des trouvailles linguistiques de Michel Audiard, et de la mise en musique d’un prince du son, l’imaginatif Michel Magne. Pour paraphraser Fernand Naudin, alias Lino Ventura, on peut conclure que « les as des as du cinéma osent tout, et c’est même à ça qu’on les reconnaît».