Pour Les Misérables, il s’agit d’un retour aux sources. Du 22 novembre au 31 décembre 2024, la comédie musicale devenue la plus jouée dans le monde, sera à l’affiche du Châtelet dans une nouvelle version, en français, mise en scène par Ladislas Chollat. Olivier Py, qui préside aujourd’hui aux destinées du théâtre, a donné son feu vert et inscrit le spectacle dans la programmation 2024/2025. Alain Boublil, l’auteur du livret, a remanié par petites touches quelques situations et dialogues qui, avec le temps, n’avaient plus de raison d’être. Avec Claude-Michel Schönberg, le compositeur de toutes les musiques, il a annoncé l’ouverture de la billetterie, dans 42e Rue, l’émission de Laurent Valière sur France Musique.
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Cette nouvelle aventure a débuté en 2016 quand Alain Boublil a assisté, salle Gaveau, à une représentation de Oliver Twist, une comédie musicale, justement mise en scène par Ladislas Chollat. Immédiatement séduit par le travail de ce dernier, proche de ce qu’il a l’habitude de voir sur les grandes scènes de Broadway, il a lancé un défi à Stéphane Letellier, le producteur de la soirée : trouver le moyen qu’un jour, Les Misérables soient à l’affiche à Paris, et que Chollat devienne artistiquement partie prenante de l’aventure. Six années de travail ont été nécessaires pour que le projet se concrétise. Avant et après les confinements, Letellier a frappé à la porte de plusieurs producteurs susceptibles d’assurer le financement de départ. Il a ensuite rencontré, à Londres, Cameron Mackintosh, à l’origine, au milieu des années 80, de la production de la version en anglais. Il a obtenu un feu vert quasi immédiat. Cameron Mackintosh a été séduit par le projet, mais sans doute pas seulement. Le spectacle a triomphé dans 45 pays en 22 langues, mais jamais en France !
La série de représentations à Mogador, en 1991, n’a pas affiché complet, loin de là. À l’époque, on a mis cet échec sur le compte d’une impossibilité de réserver des places avec une carte bancaire. Les pertes financières n’ont pas mis en péril les finances du groupe britannique, mais il semble évident que, moralement, un succès en 2024 ferait oublier ce mauvais pas. Une nouvelle troupe va ainsi s’ajouter aux sept qui tournent actuellement dans le monde. Il y aura 38 personnes, parmi lesquelles 14 musiciens. Les castings viennent de débuter et se poursuivront, sans doute jusqu’à la fin de l’année.
Pour Stéphane Letellier, qui va participer, avec le Châtelet, à la production, cette aventure va permettre à la France de se réapproprier l’œuvre de Victor Hugo. Ce sera aussi, peut-être de rendre hommage à Robert Hossein, qui est véritablement à l’origine de tout. C’est lui qui, au milieu des années 70, a pris le risque de produire et de mettre en scène Les Misérables au Palais des Sports, rebaptisé aujourd’hui le Dôme de Paris. En un temps où les comédies musicales ne trouvaient pas leur public, beaucoup de professionnels et quelques amis, lui ont recommandé de renoncer à ce qui allait devenir, à coup sûr, un gouffre financier sans fond. Il n’a écouté personne et gagné son pari : la salle, qui contenait environ 4000 spectateurs, a été prise d’assaut chaque soir pendant six mois. L’engouement a été tel que les ventes dans les librairies ont connu une forte hausse. L’aventure aurait pu se prolonger pendant très longtemps, mais le plateau n’était plus disponible. C’est par un après-midi pluvieux, chez lui, à Londres, que Cameron Mackintosh a entendu le 33 tours réunissant les chansons de la version du Palais des Sports, rapporté, par hasard, d’un séjour à Paris. Il a demandé son accord à Hossein. Ayant l’habitude de penser à demain plutôt qu’à hier ou avant-hier, celui-ci lui a donné, au bout de quelques réunions seulement, un feu vert pour une adaptation librement inspirée de la sienne. Il n’a même pas réclamé d’assister aux répétitions à Londres, ni même que son travail de départ soit récompensé par une part de droits d’auteur, aussi symbolique soit-elle. Il était en effet convaincu que, dans les pays étrangers, on ne s’intéresserait guère à une histoire ne figurant pas toujours en bonne place dans la mémoire collective. Il aimait à en donner une preuve flagrante. Le soir de la première au Palais des Sports, en 1980, juste après les saluts de la fin, un vieux monsieur s’est avancé sur le plateau. Dans les premiers rangs de la salle, un spectateur s’est tourné vers son voisin et a lancé : « Regarde, c’est l’auteur ! »