Dans Les Tontons flingueurs le montage du film, sans jamais un temps mort, a participé de son impeccable génie. Ces coups de ciseau, ce «cut» magique comme disent les Anglo-Saxons, sont dus au talent de Georges Lautner, bien sûr, mais aussi de sa monteuse fétiche, la surdouée Michelle David.

Le 1er mars, la maison Sotheby’s a organisé la vente de ses souvenirs et autres artefacts cultissimes de son travail cinématographique. Ce petit trésor a été présenté par un expert ès Tontons flingueurs, Michael Devaux, professeur à l’université de Caen et rédacteur d’une «thèse» intitulé: Les Tontons flingueurs et le discours de la méthode.

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Michelle David ( 1920-2007) a travaillé avec la crème de la crème des cinéastes de son époque: Pierre Schoendoerffer, Yves Boisset, Michel Audiard, mais c’est évidemment avec Georges Lautner qu’elle a partagé le plus souvent ses talents. Les acheteurs ne s’y sont pas trompés. En se jetant sur les lots 69 à 75 dédiés aux Tontons de Lautner, cette vente a encore démontré l’immortalité de ce polar à l’humour aussi «brutal» qu’irrésistible.

Le philosophe et «tontonophile» distingué, Michael Devaux, ne s’étonne pas de cet engouement: « Vous vous rendez compte: 37 enchères pour ces fameux souvenirs! Il faut dire qu’on y trouvait les fiches de travail d’orfèvre unique de Michelle David. Tout ce qui lui a permis de réaliser ce fameux final cut des Tontons. Mais je dois dire que sa collaboration sur Les Monocles et Les Barbouzes a aussi fait monter les enchères. 13.000 euros alors que l’estimation était aux alentours de 2500 euros, c’est tout de même un résultat formidable».

Les Tontons flingueurs de Georges Lautner en 1963, dialogue de Michel Audiard, montage de Michelle David, musique de Michel Magne, avec Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, Sabine Sinjen…

Michelle David aura partagé le destin de cinéaste de Georges Lautner dans pas moins de trente-six films. Cette vocation cinématographique est certainement née en observant sa mère, elle-même technicienne dans les studios d’Épinay-sur-Seine.

En 1942, elle fera ses débuts en tant que monteuse dans Le Voile bleu réalisé par Jean Stelli avec Gaby Morlay, Elvire Popesco et Pierre Larquey. Ce film est un des grands succès cinématographiques de l’époque. De 1946 à 1948, elle a travaillé sans relâche en tant que monteuse puis chef-monteuse. En quarante-six ans de carrière, elle signera le découpage d’une cinquantaine de films répertoriés. Sa longue et brillante collaboration avec Georges Lautner débuta en 1958 avec La Môme aux boutons et se termine en 1987 avec La Maison assassinée.

Cette femme talentueuse, membre de l’Académie des César, a toujours fui les honneurs. La réussite de cette vente à l’encan posthume vient de démontrer que son travail de cinéaste n’est pas oublié.

Le Monocle rit jaune de Georges Lautner en 1964, montage de Michelle David, avec Paul Meurisse, Robert Dalban…