Sept ans! Cela faisait sept ans que les lecteurs de la saga des Aigles de Rome attendaient avec une impatience devenue douloureuse le sixième volet des aventures des héros de Marini. Soit presque aussi longtemps que le temps écoulé entre la défaite humiliante des légions du général Varus dans les forêts de Germanie (9 après Jésus-Christ) et la disparition de l’empereur Auguste, qui ouvre une nouvelle ère à Rome… et ce nouvel album qui tient toutes ses promesses narratives et visuelles.

Hantées par la déroute militaire au cours de laquelle trois aigles ont été capturées par Arminius (fils d’un chef chérusque élevé à Rome mais repassé du côté des Barbares), les élites de la Ville éternelle assistent à l’accession au pouvoir de Tibère avec un mélange de méfiance et d’indifférence. Voire d’hostilité, certains n’hésitant pas à fomenter d’ores et déjà un complot contre le successeur de César. Tout ce petit monde ne manque pas de se rendre aux jeux pour voir les gladiateurs se massacrer entre eux – cela distrait et excite, surtout les femmes, dont les seins volontiers dénudés indiquent leur agitation devant toutes ces mâles confrontations. Mais stupeur, celui qui sort vainqueur de tous les combats derrière son masque noir et se révèle sans foi ni loi (au point d’achever ses adversaires qui ont demandé grâce) se révèle être Marcus. Rescapé de la bataille de Teutoburg remporté par Arminius – son quasi-frère devenu ennemi, son presque cousin redevenu Germain -, privé de l’amour de sa vie Priscilla, il ne se considère comme retenu à la vie par aucun fil. À moins d’apprendre que son fils Titus, emmené en captivité, est encore vivant…

Avec ses cases aux allures fréquentes de plans de cinéma (Spartacus ou Gladiator), ses rebondissements incessants, ses scènes de batailles spectaculaires, son trait d’un réalisme saisissant, mais aussi (et surtout?) sa précision documentaire et son scénario brillamment articulé, Enrico Marini impressionne toujours autant. Envieux, ambitieux, courageux, vicieux, audacieux, capricieux, ses héros (et ses héroïnes!) sont mus par les sentiments les plus classiques de l’être humain. Nous sommes à Rome en 14 après J.-C., mais nous pourrions être partout dans le monde… en 2023.