Adeptes du druidisme, archéologues et autres opposants au projet de tunnel routier près du site préhistorique de Stonehenge, dans le sud-ouest de l’Angleterre, ont demandé une nouvelle fois mardi à la justice britannique de bloquer sa construction.

Pendant trois jours, la Haute Cour de Londres examine le recours du groupe Save Stonehenge World Heritage Site (SSWHS), qui rassemble les opposants à ce projet controversé, auquel le gouvernement britannique a donné son feu vert en juillet dernier. À la suite d’une première campagne réussie, les magistrats avaient bloqué en juillet 2021 un premier projet de tunnel sur le site classé au patrimoine mondial par l’Unesco, faisant part de leurs craintes concernant son impact environnemental. SSWHS veut faire annuler une nouvelle fois l’autorisation donnée par le gouvernement britannique à ce projet routier d’un coût de 1,7 milliard de livres (près de deux milliards d’euros), situé à quelques centaines de mètres du site.

Construit par étapes entre environ 3.000 et 2.300 ans avant Jésus Christ, Stonehenge est l’un des monuments mégalithiques préhistoriques les plus importants du monde par sa taille, son plan sophistiqué et sa précision architecturale.

Le gestionnaire du réseau routier National Highways explique que ce tunnel d’environ trois kilomètres permettra de fluidifier la circulation, importante sur cet axe. Dans ses conclusions écrites, l’avocat du ministère des Transports a assuré que le projet était «conforme aux obligations du Royaume-Uni» envers la Convention du patrimoine mondial.

À l’inverse, un panel de spécialistes avait estimé que ce projet risquait de causer un «préjudice permanent et irréversible» au site classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1986.

Dans leurs propres conclusions, les avocats des opposants ont prévenu que Stonehenge pourrait être retiré de cette liste – une mesure rarissime, qui a visé le port de Liverpool en 2021 – et rejoindre celle du «patrimoine en péril». Ils ont aussi déclaré que la construction du tunnel marquerait «le premier pas vers le déclassement» et serait «le résultat direct» de la décision du gouvernement. Dans des arguments écrits présentés lors d’une audience à la Royal Courts of Justice de Londres, David Wolfe KC, pour la SSWHS, a martelé que la valeur du site «doit être prise en compte pour cette génération et les générations futures».

Au premier jour de l’examen du recours, une cinquantaine d’opposants, dont des adeptes du druidisme qui célèbrent chaque année les fêtes païennes à l’occasion des solstices à Stonehenge, se sont réunis devant la Haute Cour avec banderoles et tambours chamaniques.

«Nous allons détruire quelque chose de sacré, d’historiquement et archéologiquement fondamental, afin de permettre aux gens d’économiser quelques minutes de trajet», a dénoncé Angela Harding, une bibliothécaire arrivée du Bedfordshire (sud-est de l’Angleterre) pour la manifestation et interrogée par l’AFP. «Il s’agit de l’un des sites néolithiques les plus importants de la planète, construit probablement par les premiers druides», a renchéri l’«archidruide de Stonehenge» Rollo Maughfling, portant une toge blanche et une cape rouge.

Le président de la Stonehenge Alliance, John Adams, a confié à la BBC qu’ils n’avaient «pas d’autre choix» que d’intenter une action en justice. «Nous avons dû faire appel au crowdfunding pour payer nos frais de justice. C’est vraiment comme David et Goliath», a-t-il ajouté. Il a précisé que le projet de tunnel de deux miles n’accélérerait la durée des trajets que de «quelques minutes», ajoutant qu’il s’agissait d’une «mauvaise utilisation des fonds publics». «Nous voulons que les autoroutes nationales continuent d’explorer des alternatives qui éloigneraient la route du site du patrimoine mondial».

«Stonehenge est un symbole pour la Grande-Bretagne et pour le monde entier. Son mystère pousse encore de nombreuses personnes à explorer le site et ses alentours», a commenté l’écrivain Tom Holland, à l’extérieur du tribunal. Mais si ce paysage est «dévasté», «nous perdrons la possibilité de remonter aux origines» du pays.