Difficile d’exister face au rouleau compresseur Oppenheimer. Parti favori avec 13 nominations, le biopic de Christopher Nolan a grignoté, dimanche, une bonne partie du palmarès des Bafta, les César britanniques. Le portrait de l’architecte de la bombe atomique est reparti avec sept trophées : meilleur film, réalisateur, montage, photographie, musique, acteur et second rôle.
Christopher Nolan, dont ce sont les premières victoires aux Bafta, a dédié sa statuette de meilleur réalisateur «à toutes les organisations et militants qui luttent contre la prolifération des armes nucléaires». «Mon film se termine sur une note de désespoir. Mais avec ce trophée, je veux rendre hommage aux efforts de ces hommes et de ces femmes qui se battent pour la paix et montrent à quel point elle est nécessaire. Depuis 1967, beaucoup de chemin a été fait avant de repartir depuis peu dans la mauvaise direction».
La cérémonie de dimanche donne un peu plus de clarté sur la route qui mène aux Oscars, qui auront lieu le 10 mars prochain. Un peu moins de dix pour cent des votants de l’Académie américaine du cinéma provient du Royaume-Uni. Une victoire aux Bafta donne une longueur d’avance aux lauréats pour la suite. Le palmarès a confirmé que les catégories second rôle ont leurs champions tout trouvés en adoubant les lauréats des Golden Globes et Critics Choice Awards.
Formidable cuisinière endeuillée dans Winter Break, Da’Vine Joy Randolph l’emporte chez les comédiennes. La comédie douce-amère de Noël, signé Alexander Payne, a également été distinguée pour sa distribution.
Chez les hommes, Robert Downey Jr, qui campe le sénateur ennemi du physicien, a concocté un discours de remerciements savoureux en retraçant en quelques minutes sa carrière. « À 15 ans, je voulais être Peter O’Toole. Quand j’avais 25 ans, j’ai tourné avec Richard Attenbourgh et Anthony Hopkins. Quand j’avais 35 ans, j’ai finalement compris pourquoi Richard pensait que Tony serait un meilleur modèle pour moi que Peter », a déclaré Downey Jr. « À 42 ans, j’ai fait deux Sherlock Holmes pour Guy Ritchie : de grands films hollywoodiens avec une touche civile britannique. J’ai ensuite joué un gars nommé Tony dans le MCU pendant environ 12 ans. Récemment ce gars Christopher Nolan m’a offert une dernière chance pour regagner ma crédibilité….».
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Dans les catégories très serrées de meilleur acteur et meilleure actrice, les Bafta ont donné l’avantage à l’interprète d’Oppenheimer, l’Irlandais Cillian Murphy. Cela donne à la vedette de Peaky Blinders un petit coup d’avance sur son rival le plus dangereux :Paul Giamatti, le professeur bougon de Winter Break. «Le cinéma nous permet d’explorer deux faces d’une même réalité : un homme peut être un héros pour les uns, un monstre pour les autres», a salué le lauréat.
Sandra Hüller d’Anatomie d’une chute n’a pas pu créer la surprise face à la favorite Emma Stone, puissante dans la peau d’une femme découvrant le monde et le désir dans Pauvres Créatures. Une victoire aux Bafta pour Sandra Hüller aurait laissé entrevoir la possibilité de bousculer aux Oscars le duel entre Emma Stone et Lily Gladstone de Killers Of The Flower Moon. Etonnamment, la comédienne amérindienne n’était pas en lice aux Bafta qui n’ont rien décerné à la grande fresque de Martin Scorsese. Prochaine étape de ce pas de deux, les prix de la guilde des acteurs la semaine prochaine. Autres grands perdants de la soirée : Barbie et le portrait du compositeur Leonard Bernstein Maestro par Bradley Cooper.
En lice dans sept catégories, dont meilleur film, film étranger, actrice et réalisation, Anatomie d’une chute de Justine Triet n’a pas pu lutter contre la vague Oppenheimer. Le film de procès a ouvert le bal des récompenses en décrochant le Bafta du meilleur scénario original. Justine Triet a voulu rassurer les votants : « La dernière que j’étais à Londres, une spectatrice m’a dit qu’elle avait appelé son ex pour lui dire de voir mon film pour comprendre pourquoi elle l’avait quitté. Mais tout va bien avec mon compagnon et coscénariste Arthur Harari». Ce dernier, facétieux, a confié être un peu inquiet. Comme la victime d’Anatomie d’une chute, il rénove ses combles. «Tâche qui lui plaît, s’il faut l’indiquer pour la postérité au cas où il m’arrive quelque chose».
Cette unique, et déjà formidable, victoire suggère que la meilleure chance de succès d’Anatomie d’une chute aux Oscars, où le drame concourt dans cinq catégories, est celle du meilleur scénario original.
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La suite de la soirée a été moins fastueuse. la palme d’or s’est vue ravir la statuette du meilleur film étranger par La zone d’intérêt. La plongée sonore de Jonathan Glazer dans l’enfer d’Auschwitz a également raflé le trophée du meilleur film britannique (battant Saltburn et Sans nous connaître) et du meilleur son. Jonathan Glazer a eu une pensée pour toutes les victimes des conflits qui ensanglantent le monde : Gaza, Israël, Yémen, Ukraine.
Nommé à onze reprises, Pauvres Créatures, version satirique et féminine du mythe de Frankenstein, a prospéré dans les catégories techniques, remportant meilleurs décors, effets spéciaux, costumes.
Petite surprise, Oppenheimer a dû s’incliner dans la catégorie meilleure adaptation au profit de la satire American Fiction, sur les dessous du monde de l’édition.
Dans les sections réservées au cinéma britannique a réussi à percer la gracieuse Mia McKenna-Bruce, jeune fille perdant sa virginité dans la violence dans How To Have Sex.
Animé par un des plus populaires interprètes de la mythique série Doctor Who, le vibrionnant David Tennant, la cérémonie avait une touche pop. Le comédien est apparu sur scène avec un chien dans les bras et a mobilisé son complice Michael Sheen pour ce numéro de dog-sitting. La chanteuse Sophie Ellis-Baxtor a enflammé la piste en reprenant son tube des années 2000 Murder On The Dance Floor que la comédie noire Saltburn a remis en haut du top 50. Les vedettes de la comédie d’Apple TV Ted Lasso Nick Mohammed et Hannah Waddingham ont offert de beaux moments de rire et d’émotions.
À l’instar de Samantha Morton, lauréate d’un Bafta honorifique au terme d’un hommage mené par Tom Cruise. La comédienne de Minority Report a rendu hommage à ses racines populaires, se remémorant de la projection en classe d’un film de Ken Loach et de la «révélation d’y voir comme elle des gens souffrant de la pauvreté». «Etre représenté à l’écran compte. À tous ceux qui ont grandi dans la galère comme moi, vous pouvez vous élever au-delà des statistiques gouvernementales. La culture est un de ces marchepieds».