Cheveux blonds serrés, visage candide et mains quasi immobiles. Elle n’a pas de nom, elle s’appelle « Elle ». « Confinée dans sa tête », sur un plateau vierge, elle semble ailleurs. Seule dans ses pensées, occupée par des tâches ménagères. Machinalement, « Elle » appuie sur le bouton de la machine à laver le linge et celui du lave-vaisselle, commande des pommes de terre sur internet, mais le virtuel lui échappe.
Elle consulte son historique. « Il affiche un bleu nuit suspect. » Elle est une femme ordinaire. Comme dans Le Désert des Tartares, de Buzzati, Elle attend une « chose ». Elle ignore laquelle et si elle a envie que cette chose lui arrive. La sonnerie du téléphone résonne comme une intrusion. Le système électrique s’éteint brusquement.
Tel un robot ou une marionnette actionnée par un maître invisible, cette femme qui ressemble à beaucoup va se réattribuer son identité et appréhender sa personnalité. Léonore Chaix est une « Elle » idéale. Formée à la Shakespeare
Assise, stoïque, sur une chaise, Léonore Chaix transmet toute une palette d’émotions sous la direction d’une précision chirurgicale de sa camarade Anne Le Guernec. Son jeu repose entièrement sur la parole, des mots, apparemment anodins et banals, et pourtant déterminants pour sa conduite. « Dans quelle mesure pouvons-nous faire confiance aux événements ? », se demande la narratrice à l’affût du moindre son.
Léonore Chaix connaît la musique du verbe depuis longtemps. Il y a plusieurs années, elle avait créé, avec la comédienne Flor Lurienne, l’émission Déshabillez-mots sur France Inter qu’elles avaient transposée sur scène. Par ailleurs, elle est la belle-fille d’un membre de l’Oulipo, soit l’Ouvroir de littérature potentielle. Enfant, elle est dyslexique et émerveillée par Le Songe d’une nuit d’été donné en plein air.
Adulte, elle reste marquée par Pôles, l’une des premières pièces de Joël Pommerat. Léonore Chaix est en outre professeur de yoga. Un détail qui a son importance. Rien ne dépasse dans ce spectacle sous contrôle de A à Z. L’accident domestique n’est pas dû au hasard. Si son personnage disjoncte, son interprète, elle, parvient à nous dérider.