La justice administrative a validé jeudi l’interdiction d’un concert à Lille du rappeur controversé Freeze Corleone, visé par une enquête pour «apologie du terrorisme», tandis qu’une décision est attendue pour le concert prévu à Lyon samedi. Le tribunal administratif de Lille a jugé «le risque de troubles à l’ordre public (…) suffisamment établi pour que l’interdiction prononcée par le préfet du Nord ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression», selon un communiqué diffusé par l’institution. Le tribunal note que «plusieurs titres que Freeze Corleone devait interpréter lors de son concert comportent des appels à la violence qui sont de nature à inciter à la haine ou à la discrimination contre des personnes nommément identifiées».
Saisi en référé-liberté, il a rappelé que, par le passé, le rappeur n’a pas respecté des engagements pris devant la justice administrative à ne pas chanter certains morceaux. «On fait un échantillonnage disparate des propos qui peuvent choquer le bourgeois», s’était insurgé à l’audience jeudi matin l’avocat du rappeur, Sanjay Mirabeau, quelques heures seulement avant le concert prévu à 20 heures au Zénith de la ville. Après la décision, il a annoncé qu’il allait saisir le Conseil d’État, malgré le peu de temps restant avant le début du concert
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En début d’après-midi, une seconde audience en référé-liberté, cette fois à Lyon, a contesté l’interdiction par la préfecture du Rhône d’un concert annoncé samedi à la halle Tony-Garnier. Les deux préfectures considèrent que les paroles de plusieurs chansons de Freeze Corleone contiennent «des propos ouvertement antisémites et empreints d’une admiration pour la personne d’Adolf Hitler et le IIIe Reich».
Elles mettent également en avant des propos faisant «l’apologie» du terrorisme, à travers une référence à l’attentat de Nice du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais, qui a fait 86 morts et des centaines de blessés. «Burberry comme un grand-père anglais. J’arrive dans l’rap comme un camion qui bombarde à fond sur la…», chante Freeze Corleone dans Haaland, un duo avec le rappeur allemand Luciano, sorti la semaine dernière. Des paroles qui ont entraîné l’ouverture d’une enquête préliminaire à Nice pour apologie du terrorisme.
Sanjay Mirabeau s’est agacé à l’audience que l’on «essaye de se demander ce que l’artiste, en ne disant rien, a voulu suggérer dans l’esprit du public». Il a assuré que Haaland ne serait pas chanté à Lille. Son client, Issa Lorenzo Diakhaté de son vrai nom, suivi par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, est un chanteur, pas un «leader d’opinion», a-t-il plaidé. Il a fait valoir qu’un artiste a le droit d’interpréter le personnage qu’il souhaite. «Nous avons tous assisté à des concerts où un artiste laisse à son public le choix de finir sa phrase», a pointé à l’inverse le directeur de cabinet du préfet, Christophe Borgus, soulignant le risque d’un «prosélytisme terroriste». Un groupe de jeunes gens en possession de billets pour ce concert assistait à l’audience. Ils assurent que les fans de Freeze Corleone «ne sont pas des gens qui le suivent comme un prêcheur de la bonne pensée politique».
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Lors de l’audience à Lyon, un autre avocat du rappeur, Adrien Chartron, a souligné que son client n’avait «fait l’objet d’aucune condamnation pénale et (que) l’ensemble de ses concerts n’avait posé aucun trouble à l’ordre public». En 2020, Freeze Corleone avait déjà fait l’objet d’une enquête, finalement classée sans suite, pour «provocation à la haine raciale» après des clips contenant des paroles telles que «j’arrive déterminé comme Adolf dans les années 30» ou «tous les jours RAF (rien à foutre) de la Shoah».
Ces derniers mois, plusieurs préfectures ont interdit ses concerts. La justice administrative a permis la tenue de deux dates au Zénith de Paris en novembre, mais validé l’interdiction d’un autre concert près de Nantes en décembre. Ce dernier est pour l’heure reporté au 28 février, en attente d’une décision du Conseil d’État. Ce même Conseil d’État avait fini par autoriser le rappeur à se produire à Rennes en mars dernier, en dépit d’une autre interdiction.