Paul Auster était considéré comme le plus français des New-Yorkais. Il n’a jamais cessé de confier son amour pour notre pays et sa littérature, qu’il a étudiée à l’Université de Columbia. Également passionné de cinéma, en particulier pour La grande illusion de Jean Renoir, il s’installe à Paris en 1967 avec l’espoir d’entrer à l’HIDEC. La difficulté de l’examen l’empêche de concrétiser son rêve.
Il traverse à nouveau l’Atlantique et commence à coucher sur le papier des scénarios de films muets qui ne verront jamais le jour. Il se tourne finalement vers la littérature et, tout en travaillant sur un pétrolier pour gagner sa vie, il écrit la première version de plusieurs romans, parmi lesquels Moon Palace. Entre Manhattan et le Midwest américain, il raconte la vie de Marco Stanley Fogg, un journaliste anglais chargé de retrouver le docteur David Livingstone en Afrique, et des deux générations qui l’ont précédé. Ses pages étant enfin couronnées de succès outre-Atlantique, mais aussi en France . Il est ainsi invité par Bernard Pivot à un Apostrophes, spécial États-Unis, le 11 mai 1990. Madelen vous propose de découvrir ou de redécouvrir cet entretien où il confie, en particulier, sa passion pour Jules Verne, Jean-Paul Sartre et notre poésie à laquelle il a consacré une anthologie.
À lire aussiBaumgartner, de Paul Auster: bonjour tristesse
Il n’a pas pour autant oublié le cinéma. Sa notoriété lui vaut, en 1997, de faire partie des membres du jury du Festival de Cannes. Il saute sur l’occasion pour tenter de concrétiser un projet qui dort dans ses cartons depuis longtemps. Il profite des instants de liberté entre projections, réunions et dîners officiels, pour multiplier les contacts avec des producteurs internationaux. C’est ainsi qu’en quelques jours à peine, il récolte les dix millions de dollars nécessaires à la production et la réalisation de son premier film, Lulu on the bridge. Il y raconte drame d’un saxophoniste de jazz qui, au lendemain d’un attentat pendant un concert, rencontre une jeune actrice qui va l’aider à retrouver son équilibre mental et ses forces physiques.
Un an plus tard, le 14 mai 1998 très exactement, il crée l’évènement en présentant son long métrage à Cannes, en ouverture de la section Un certain regard . Il monte les marches du Palais des Festivals, en compagnie de Mira Sorvino, sa tête d’affiche féminine, découverte par Woody Allen. Au mois de septembre, il est également présent au Festival du Film Américain de Deauville, avant une sortie dans les salles, saluée par le public plutôt que par les critiques. Sa filmographie va ensuite s’enrichir de quelques scénarios et d’une autre mise en scène, en 2006. Dans La vie intérieure de Martin Frost, il imagine un écrivain à succès rencontrant une femme dont il veut faire sa muse. Son œuvre majeure demeure toutefois la littérature à travers des thèmes liés à la ville de New York, et, en particulier au quartier de Brooklyn, où il a élu résidence. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, il reçoit David Pujadas dans son appartement. Devant les caméras du journal de 20 heures d’Antenne 2, il souligne la solidarité et la générosité de ses concitoyens face à la tragédie. Il se dit partisan de la création d’un mémorial. Il devient le premier à soutenir la Fondation à but non lucratif, créée pour recueillir les fonds permettant la construction d’un musée, symboliquement inauguré le 11 septembre 2011. Le 6 juillet 2022, il fait son ultime apparition à la télévision française le temps d’une séquence tournée dans son bureau de New York, à l’occasion de la 500e émission de La grande librairie. Après avoir recommandé à François Busnel de lire Vers le phare, un roman de Virginia Woolf, il lui dit « merci et à bientôt j’espère ». Un vœu pieux, hélas. Six mois plus tard, les médecins découvrent qu’il souffre d’un cancer du poumon. Irène Jacob, devenue une amie proche après avoir tourné La vie intérieure de Martin Frost, l’a retrouvé à Manhattan voici quelques semaines à peine. Siri Hustvedt, la femme de l’écrivain, lui avait en effet adressé un appel sous la forme d’un mail : «Quand il n’y a plus l’optimisme il reste l’espoir. Paul ne va plus se soigner, c’est le moment de venir nous voir».