Retour vers le futur. En 1984, la France se déchirait autour de la loi Savary prévoyant de supprimer les établissements d’enseignement privé. En 2024, quelques jours après sa nomination au poste de ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra relance, à ses dépens, la guerre scolaire en justifiant le placement de ses enfants dans une école privée par des absences répétées de professeurs dans le public. Une polémique au menu de la conférence de presse du président de la République, mardi soir. Invité à dire si la maladresse de sa ministre n’avait pas relancé une bataille entre école publique et privée et s’il maintenait sa confiance en elle, Emmanuel Macron s’en est tiré par une pirouette : «Je suis un enfant des “Deux écoles”, comme disent les grands auteurs.» Une référence à l’un des titres de Michel Sardou.
Grand amateur du chanteur (il connaît son répertoire par cœur, des grands tubes aux titres les plus confidentiels qu’il chante ou siffle à l’Élysée), le chef de l’État cite l’une des dernières prises de position en chanson de Michel Sardou. En 1984, en pleine bataille scolaire, l’artiste enregistre l’offensive Les Deux Écoles. Coécrit avec Pierre Delanoë, le titre défend la liberté de choix entre l’école publique et privée, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. «J’ai eu l’instituteur qui dans les rois de France n’a vu que des tyrans aux règnes désastreux. Et celui qui faisait du vieil Anatole France un suppôt de Satan parce qu’il était sans Dieu.» Très en verve et sur une musique légère (comme souvent dans ses éditos musicaux), Sardou fustige «cette sacrée République», «fille aînée de l’Église et de la Convention» qui «serait bien heureuse que ses maîtres la laissent libre de faire l’amour et d’aller à la messe.» Le succès est immédiat : plus de 200.000 45-tours vendus.
Michel Sardou ne se contentera pas de mener bataille sur les ondes des radios. Il participe à la manifestation du 24 juin 1984 en faveur de l’école libre, où un million de personnes défilent. Face à la levée de boucliers, le projet de loi socialiste est retiré. Un camouflet pour François Mitterrand. Mais le président n’en tiendra pas rigueur au chanteur : il lui remettra la Légion d’honneur et avouera être incollable sur l’œuvre de Michel Sardou. En mars prochain, quarante ans plus tard, Emmanuel Macron l’élèvera à la dignité de grand officier de l’ordre du Mérite. L’histoire se répète toujours.