En raison du conflit-israélo-palestinien et de l’offensive menée à Gaza, la vingtième édition du Festival de Marrakech a été placée sous le signe de la sobriété plutôt que des célébrations. Mais le palmarès de ce cru 2023 montre bien tout le chemin parcouru par la manifestation et sa place centrale dans l’écosystème cinématographique du continent africain. La récompense reine, l’Etoile d’or a été décernée pour la première fois à une œuvre marocaine

Le jury présidé par Jessica Chastain a couronné le documentaire La mère de tous les mensonges d’Asmae El Moudir. La réalisatrice de 32 ans évoque les «années de plomb» du règne de Hassan II en racontant le passé hanté de non-dits de sa famille. Faute d’images d’archives, elle a imaginé un dispositif ingénieux en filmant une maquette du quartier de son enfance casablancaise ainsi que des figurines pour narrer ce passé familial, avec en arrière-plan les «émeutes de la faim», réprimées dans le sang, en juin 1981 à Casablanca.

«Chaque société possède une vérité qui a été enterrée, brûlée, expurgée, effacée mais grâce à la mémoire collective, bien qu’imparfaite, nous préservons l’histoire qui ne peut être effacée par le biais du témoignage, la création et recréation», a souligné Jessica Chastain. La mère de tous les mensonges avait remporté en mai le prix de la mise en scène dans la sélection Un Certain Regard, au festival de Cannes.

Le prix du jury, dans lequel siégeaient notamment la star de Dix pour cent Camille Cottin, de l’actrice franco-iranienne Zar Amir et l’acteur suédois Alexander Skarsgård, a été décerné ex-aequo au réalisateur marocain Kamal Lazraq pour Les meutes et à la réalisatrice franco-algérienne Lina Soualem pour Bye Bye Tibériade qui retrace la vie de l’actrice franco-palestinienne Hiam Abbass. «Ce prix est dédié à tous les Palestiniens qui tentent de trouver leur place dans le monde», a déclaré Lina Soualem dans un message enregistré, appelant à une «cessation des hostilités» dans la bande de Gaza.

À noter que ces trois films primés sont issus des “Ateliers de l’Atlas”, le programme industrie du Festival qui a été créé en 2018 . La plateforme confirme ainsi davantage son rôle d’incubateur de nouveaux talents du monde arabe et d’Afrique. Comme chaque année depuis 2018, les Ateliers de l’Atlas, le rendez-vous industrie et développement du Festival, ont réuni plus de 300 professionnels autour de 25 projets de films en développement ou en post – production en provenance de 11 pays. Le parrain de cette édition était le réalisateur de Killers Of The Flower Moon Marti Scorsese . En six éditions, les Ateliers de l’Atlas ont accompagné 136 projets et films, dont 57 projets et films marocains, et trois des films primés au Festival de Marrakech cette année

C’est le film Banel et Adama de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy qui a remporté le prix de la mise en scène. Le prix d’interprétation féminine est allé à l’actrice bosnienne Asja Zara Lagumdzija pour son rôle dans Excursion et celui d’interprétation masculine à l’acteur turc Doga Karakas pour Dormitory.

En tout, le public du Festival a pu découvrir 75 films en provenance de 36 pays répartis sur plusieurs sections : la Compétition officielle, les Séances de gala, les Séances spéciales, le 11e continent, le Panorama du cinéma marocain, les séances Jeune Public, en plus des films projetés dans le cadre des hommages.