Drame de Sam Mendes, 1h59
Dans une station balnéaire en Grande-Bretagne, deux être fragiles et solitaires, employés d’un cinéma d’un autre âge, se rapprochent. Devant, il y a la mer. L’Empire se dresse sur la promenade de cette station balnéaire anglaise. Les années 1980 ne sont pas au mieux de leur forme. La salle du dernier étage est à l’abandon. Des pigeons y ont trouvé refuge. Hillary (Olivia Colman) et Stephen (Micheal Ward) travaillent là. Elle fait partie des meubles. Il est noir, ce qui n’est pas facile sous le règne de Thatcher. Une solide dépression la taraude et une rechute semble toujours possible. Leurs solitudes vont se réchauffer mutuellement. Hillary est une employée modèle, acceptant de faire certaines gâteries dans le bureau de son patron déplaisant et marié (Colin Firth, en complet gris, la moue dégoûtée). Le racisme n’est pas un vain mot et quand les skinheads manifestent, cela se termine dans le sang. Ces deux marginaux s’aiment en secret, bâtissent des châteaux de sable sur une plage éloignée, savent que leur idylle ne pourra pas durer. Avec Empire Of Light, Sam Mendes, qui signe là son premier scénario seul, montre la vie de ces salles obscures qui appartenaient déjà au passé, avec leur rideau de velours rouge bordé de jaune, leurs fauteuils de feutrine, leur odeur de pop-corn. Fragile, démunie, Olivia Colman offre son visage de sacrifice, entre deux visites chez le médecin, une séance de Raging Bull ou des Blues Brothers. Sam Mendes rend hommage à sa mère, qui était atteinte d’une maladie mentale similaire. Il envoie aussi une superbe lettre d’amour au septième art. E. N.
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Thriller politique de Jean-Paul Salomé, 2h02
Pour La Syndicaliste, inspiré d’une histoire vraie, le réalisateur Jean-Paul Salomé met en scène Isabelle Huppert, mélange de fantaisie, de fragilité et de combativité. Le film raconte l’histoire de Maureen Kearney, délégué CFDT chez Areva. En 2012, elle est informée d’un accord entre Areva, EDF et l’opérateur nucléaire chinois CGPN, avec un risque de dégradation industrielle et sociale pour le groupe. Elle tente d’alerter les députés et le ministre de l’Économie, Arnaud Montebourg. Un matin, elle est agressée violemment chez elle. On lui introduit un couteau par le manche dans le vagin. Mais la victime devient suspecte. Aucune trace d’ADN des agresseurs n’est retrouvée. Elle est accusée de dénonciation mensongère. Condamnée, elle est relaxée en appel en novembre 2018. L’interprétation d’Isabelle Huppert, que Salomé retrouve après La Daronne, n’est pas étrangère à la complexité du personnage. Sa Maureen Kearney, fidèle à son modèle, est un mélange de fantaisie, de fragilité et de combativité. Comme La Nuit du 12, le polar de Dominik Moll sur une enquête de la PJ autour d’un féminicide, La Syndicaliste use du film de genre pour raconter un monde gouverné par les hommes (patrons, politiques, policiers). Le milieu social dépeint est différent mais les hautes sphères n’échappent pas à la misogynie. Ici non plus l’expression «masculinité toxique» n’est pas employée. Pourtant, elle suinte à chaque séquence où Maureen Kearney affronte ces hommes de pouvoir. Salomé n’invente rien. Mais il met en scène avec beaucoup de finesse le combat d’une femme pour retrouver sa dignité et son honneur. E. S.
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Drame de Clément Cogitore, 1h38
Il y a une différence de taille entre Ni le ciel ni la terre et Goutte d’Or. Le premier film de Clément Cogitore se déroulait dans les grands espaces en Afghanistan. Celui qui sort en salle a pour décor la Goutte d’Or dans le 18e arrondissement parisien. Mais il y a aussi une similitude troublante: un goût pour le mystère, voire le mysticisme. D’un côté, des soldats disparaissent sans explication au pays des talibans. De l’autre, un mage rassure les vivants en convoquant les disparus. Karim Leklou est le mage, appellation plus poétique que marabout, qui officie dans ce quartier dense où de multiples nationalités se côtoient, s’entraident, se respectent et s’invectivent. La salle d’attente du mage Ramsès ne désemplit pas. Ses clients repartent satisfaits, apaisés. Ils ignorent tout des ruses de Ramsès et de ses complices sans qui l’arnaque ne fonctionnerait pas. Le business est lucratif, tout lui réussit. Les autres marabouts du quartier estiment, eux, qu’il a pris trop de parts de marché, qu’il ne respecte pas les frontières communautaires, celles qui étaient claires du temps où son père exerçait. Mais Ramsès est habile, beau parleur et sûr de lui. Il l’est moins quand une bande d’enfants à la recherche d’un des leurs, évaporé avec une grosse somme d’argent, l’agressent. Manipulateur dans la première partie du film, le mage devient manipulé. Voix douce dans un univers violent, Karim Leklou habite littéralement le rôle et porte le film du début à la fin. F. V.
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Drame de Florian Zeller, 2h03
Avec The Son, son second film, Florian Zeller se confronte une nouvelle fois au drame familial. À 17 ans, Nicholas (Zen McGrath, troublant à souhait) est un adolescent à la dérive, en apparence perturbé par la séparation de ses parents. Dépassée par la situation, sa mère (Laura Dern) accepte qu’il s’installe chez son père, Peter (Hugh Jackman, impérial de fragilité dans un rôle des plus inconfortable), un brillant avocat qui s’est remis en ménage avec la jeune Beth (Vanessa Kirby), enceinte de son deuxième fils. En réalité, malgré son titre, le film est bel et bien centré sur le père plutôt que sur le fils, dont nous ne saurons pratiquement rien. En revanche, on découvre un Hugh Jackman terrifié à l’idée de reproduire le modèle paternel toxique transmis par son propre père. Anthony Hopkins incarne ce patriarche effrayant de cruauté et de cynisme dans une grande scène du film. Zeller construit son suffocant huis clos avec minutie. Soigneusement, il filme le déni et l’incompréhension. Il choisit un bel appartement au cœur de Manhattan comme terrain de jeu. Quant aux gratte-ciel de New York qui peuplent les séquences du film, ils font penser à la période américaine de Sempé. Même si les flash-back ensoleillés montrant le bonheur radieux d’un père et de son fils ont un arrière-goût artificiel un peu trop prononcé, The Son brille par son audace et sa maîtrise formelle. O. D.
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Drame de Michael B. Jordan, 1h57
Sylvester Stallone l’a mauvaise. Il n’a pas caché son amertume, a déploré l’ingratitude d’Adonis (Michael B. Jordan), le fils d’Apollo Creed, son plus beau rival, qu’il a entraîné et amené jusqu’à la victoire. Son poulain vole désormais de ses propres ailes. Pas longtemps. Un dernier combat, un ultime K-O et Adonis prend sa retraite. Dans sa villa luxueuse sur les hauteurs de Los Angeles, il a le temps de jouer avec sa petite fille sourde-muette. Mais le ring n’est jamais loin. Directeur d’une salle de boxe réputée et manager, il prépare Felix «El Guerrero» au titre de champion du monde. L’arrivée d’un vieil ami d’enfance, Damian Anderson, va contrarier ses plans. L’homme a purgé dix-huit ans de prison. Il était promis à une grande carrière de boxeur. Il accuse Adonis de l’avoir laissé tomber et veut rattraper le temps perdu. Pour ce troisième volet de Creed, l’acteur Michael B. Jordan passe pour la première fois derrière la caméra. Il est cornaqué par Ryan Coogler, désormais producteur depuis qu’il est trop occupé à réaliser les Black Panther. Si Creed III ne renouvelle pas le genre, il l’inscrit exclusivement dans un contexte afro-américain. Plus de méchant blanc à combattre. Jordan met en scène un combat entre deux noirs, le transfuge de classe et le damné du ghetto, avec une empathie sensible pour son adversaire. E. S.
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Drame historique de George Mendeluk, 1h43
Servi par des visages britanniques connus (Terence Stamp, Max Irons), ce film raconte le sort d’une famille ukrainienne durant la Grande Famine de 1932. Des serments, des pleurs, des retrouvailles… Si ses scènes d’action sont assez réussies, aucun cliché ne nous est, hélas, épargné. Reste le mérite de mettre en lumière l’un des plus épouvantables épisodes du XXe siècle. B. P.
Comédie de Mélanie Auffret, 1h30
Alice (Julia Piaton) est à la fois maire et institutrice de Kerguen. Elle tente de redonner vie à ce village breton (en gros, trouver un repreneur pour la boulangerie). À cette trame s’ajoute l’histoire d’Émile Menoux, sexagénaire irascible et inconsolable depuis la mort de son frère. Illettré, il s’incruste dans la classe d’Alice pour apprendre à lire et à écrire. Émile est joué par Michel Blanc, dont le talent donne à ce personnage improbable une belle humanité. E. S.