Démonter le pavillon des Sources, brique par brique, puis le remonter une vingtaine de mètres plus loin: la solution proposée par l’Institut Curie pour sauvegarder l’ancien bâtiment de travail de Marie Curie, à Paris soulève une kyrielle de questions, auxquelles le propriétaire de l’édifice et ses architectes devront répondre. «La ministre de la Culture a dénoué une polémique qui courait depuis des mois, et désormais l’affaire est en train les mains de l’Institut», explique aujourd’hui l’entourage de Rachida Dati.

Selon le projet initial, le bâtiment de deux étages et d’une centaine de mètres carrés, où la double prix Nobel de Chimie et de physique œuvra, devait être détruit pour céder la place à un futur campus de recherches sur le cancer de cinq étages. Devant l’émotion générée par le permis de détruire accordé par la Mairie de Paris, en mars 2023, l’institut a proposé une alternative. «Nous avons cherché une solution honnête et approfondie » explique Thierry Philip, son président, au Parisien . À ses yeux, le déplacement du petit édifice près du musée Pierre et Marie Curie est une solution «gagnant-gagnant». Elle permet de concilier l’avenir et la mémoire de Marie Curie et de Claudius Régnaud, un des premiers radiothérapeutes qui fonda l’Institut. Le démontage-remontage représenterait 5 millions d’euros de surcoût au budget de 12 millions et occasionnerait un retard de quelques mois pour l’ouverture du nouveau centre, prévu à horizon 2026.

À lire aussiLa démolition d’un site historique de l’Institut Curie suspendue à la demande de la ministre de la Culture

Reste donc à se plonger dans le modus operandi de l’affaire. Érigé en 1911, le pavillon était fermé pour cause de vétusté et parce qu’il était considéré comme contaminé par des points de radioactivité. Il n’est pas classé et son démontage ne relève pas d’un architecte en chef des monuments historiques. Il faudra donc trouver une entreprise du bâtiment pour réaliser les travaux, avec le souci de décontamination de certaines parties. Le pavillon des Sources est par ailleurs en briques (en dehors d’un fronton en pierres de taille), un matériau fragile: il est donc probable qu’il faudra refaire des briques, une fois le mortier retiré.

Pour le reste, rien n’est impossible. Des bâtiments patrimoniaux ont déjà été déplacés par le passé, comme la façade de l’ancienne gare du Nord de Paris, aujourd’hui à Lille, ou l’un des douze pavillons Baltard des Halles de Paris, désormais à Nogent-sur-Marne. Le Metropolitan de New York déploie, au nord de Manhattan, cinq cloîtres médiévaux français, acquis puis donnés au musée par John Rockefeller, dans les années 1920 et 1930. «En principe, on retire les pierres ou les éléments un à un, en les notant, puis on les remonte en suivant le même schéma», explique un architecte du patrimoine.

À Toulouse, une solution drastique a été imaginée pour le monument aux morts de la ville, inauguré en 1928. Pesant 950 tonnes, trop fragile pour être démonté bout par bout, il a été déplacé dans son entièreté, cet été. Un geste spectaculaire, décidé en préalable aux travaux souterrains de la station de métro François-Verdier, qui sera située juste en dessous. Déplacé de 35 mètres, l’édifice retrouvera sa place en 2027.