Quelques heures avant l’annonce du gouvernement Attal, et avant son éviction du ministère de la Culture, Rima Abdul Malak disait à son entourage : « Je ne regrette rien. » Regretter quoi, au juste ? D’avoir été là ? D’avoir contredit le président de la République sur la loi immigration ? ou sur le cas Depardieu ? Un an et demi après sa nomination, l’intéressée se voulait loyale et fidèle à celui qui l’avait propulsée Rue de Valois. Peine perdue : son départ a été acté, jeudi, au profit de la maire ex-LR du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati, qui va reprendre le flambeau.
N’étant pas élue, et occupant un portefeuille en vue, mais non régalien, Rima Abdul Malak a commencé son bail au sein de l’exécutif en mettant en application les grands chantiers d’Emmanuel Macron. Au premier chef, l’ouverture d’une cité de la langue française dans le château de Villers-Cotterêts (Aisne), et la mise en musique du Passe culture. Grosse travailleuse, multipliant les déplacements, elle parviendra à pousser quelques dossiers pointus, comme la loi sur les restitutions ou la taxe sur le streaming. Mieux, elle réussira à conserver une forme de concorde dans ces milieux culturels d’habitude si inflammables.
Mais c’est avec le président de la République lui-même qu’elle aura maille à partir, autour de l’affaire Depardieu, tout d’abord, puis au moment de la loi immigration. En pleine controverse sur les propos graveleux tenus par l’acteur lors d’un voyage en Corée du Nord il y a quelques années, et récemment diffusés par France 2, la ministre prend ses distances avec ce monstre du cinéma français. Lors d’un déplacement, le 15 décembre, elle se dit tout d’abord « dégoûtée », et estime que l’acteur fait « honte à la France ». Le soir même, elle persiste en affirmant qu’une « procédure disciplinaire » a été engagée par la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur, qui envisage le retrait de la décoration à Depardieu. Trois jours plus tard, sur France 5, le démenti présidentiel sera cinglant : « Ce n’est pas sur la base d’un reportage qu’on enlève la Légion d’honneur à un artiste », explique le président, qui accuse sa ministre d’avoir parlé trop vite, et ajoute que l’acteur rend, au contraire, « la France fière ». Voilà de quoi remettre son ancienne conseillère à sa place, devant des millions de téléspectateurs.
Le coup de grâce entre Emmanuel Macron et Rima Abdul Malak interviendra quelques jours plus tard, autour du projet de loi immigration. En coulisses, six ministres issus de la gauche, dont Rima Abdul Malak, se disent en porte à faux avec ce texte, largement réécrit par la droite LR. Ayant immigré en France avec sa famille sur fond de guerre au Liban, Abdul Malak justifiera son opposition – partielle – par son passé. Elle aura beau démentir, sur son compte Instagram, le fait d’avoir menacé ou envisagé de démissionner, le mal sera fait. En politique, et plus encore en macronie, on ne mord pas impunément la main qui vous a nourri. Surtout lorsque l’on n’est pas un poids lourd politique.