La vie au-delà de l’enfer. Comment Sylvain Augier a-t-il réussi à échapper à la mort après avoir vécu des années l’âme serrée entre les griffes d’une psychose maniacodépressive, cette terrible maladie désignée aujourd’hui par le terme moins effrayant de bipolarité? Un mal qui lui a été génétiquement transmis par son père et son grand-père. L’ancien animateur vedette de la télévision, qui fut notamment aux commandes sur France 3 de «Faut pas rêver» ou encore de «La carte au trésor», se confie dans Je reviens de loin (Éditions Télémaque). Dans cet ouvrage poignant écrit dans un style direct, précis et délicat, toute la souffrance de ce journaliste passionné d’aventures extrêmes apparaît d’emblée, dans le récit de sa spectaculaire tentative de suicide.
En 2010, à 55 ans, Sylvain Augier s’allonge sur les rails du TGV, non loin de chez lui, dans le Gard. «J’ai pu raconter cette scène parce que le cerveau reptilien qui nous sauve du pire m’a fait faire un écart en arrière à quelques secondes de l’impact… La locomotive était devenue énorme et j’ai ressenti une peur noire, une peur panique, confie-t-il. C’est après que je me suis dit: “le suicide, c’est la fin de ma souffrance mais le début de celle des autres, de ma femme, de mes deux enfants, de mes amis”. Ensuite, il ne m’est plus venu à l’idée de vouloir en finir. Mais j’en ai bavé, et j’ai continué à vivre.»
Aujourd’hui, avec le recul, alors qu’il suit un traitement qui lui permet de vivre libéré de la maladie, celui dont la bipolarité s’est révélée à 35 ans, bouleversant tout sur son passage, ne cache pas sa fierté de publier le livre auquel il réfléchissait depuis dix ans. «Si j’ai réussi à rédiger cet ouvrage c’est parce que j’ai mûri profondément avec le temps, avec les souffrances, avec les rencontres que j’ai faites. Et puis un jour, j’ai rencontré la psychiatre que je bénis tous les jours, celle qui m’a trouvé ce traitement: la kétamine, un anesthésique très puissant que les Américains utilisent contre les dépressions sévères.»
Fier d’avoir, malgré tout, mené une existence bien remplie, Sylvain Augier affiche sa joie de vivre dans son livre en allant jusqu’à écrire: «Si j’osais, je dirais même que le secret du bonheur m’a été révélé par la maladie.» Ces mots vont-ils trop loin? L’auteur s’en défend. «Sans cette maladie, si je n’avais pas souffert autant, je n’aurais pas su distinguer la réalité du bonheur que je connais aujourd’hui. Désormais, la moindre rencontre, la moindre petite chose, vous savez quand la vie vous fait un clin d’œil, cela me procure une grande joie. Alors, je ne dis pas soyez bipolaire pour être heureux, mais je me dis: “ouf, j’en suis sorti!” Et si je peux aider d’autres personnes à aller mieux grâce à ce livre, ce serait formidable!»
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Cette volonté de partage, Philippe Labro, un vieil ami de l’animateur résilient, la comprend d’autant mieux qu’il a lui-même publié, en 2003, Tomber sept fois, se relever huit, un ouvrage dans lequel il témoigne de la dépression qu’il a surmontée. «Je ne suis pas opposé à la possibilité d’exprimer ce qui nous arrive, non pas par narcissisme mais simplement parce qu’on peut imaginer en effet que c’est une leçon pour les autres. D’autant plus que je connais la sincérité, l’honnêteté intellectuelle et morale de notre ami Sylvain», confie l’écrivain et cinéaste.
Prendre la plume pour se mettre à nu fut cependant difficile. «Sans mon coéditeur, Renaud Delourme, l’ami avec lequel j’ai parlé pendant des années, ce livre n’aurait pas existé , confie l’ex-vedette du petit écran. Renaud Delourme, ancien patron des Éditions Montparnasse confirme: «Sylvain a fini par se décider parce que, au-delà des médicaments qui calment ses souffrances, il avait un besoin enfoui au fond de lui de témoigner que malgré la maladie, il a pu mener une vie pleine de sens.» L’éditeur ajoute: «Grâce à cet ouvrage, les gens vont encore aimer Sylvain davantage! Il a été apprécié pour son sourire par des millions de téléspectateurs, mais là, il parvient à transmettre des choses beaucoup plus profondes, comme l’espoir.»
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Je reviens de loin est une leçon de vie donnée par un homme frappé par la maladie, mais aussi par un accident de parapente. Un drame qui a failli lui coûter la vie en 1988, et à la suite duquel il a passé sixmois à l’hôpital, deux ans avant sa première crise maniacodépressive. Il se souvient: «J’ai prié pour que les secours viennent, puis l’hélicoptère est arrivé et m’a sauvé. Depuis l’hôpital j’ai continué à faire mon émission sur France Inter, “Chic planète”, c’est vous dire si j’avais gardé espoir et énergie !» Une personnalité résiliente saluée par Boris Cyrulnik dans une préface saisissante. Le neuropsychiatre y souligne notamment: «Sylvain nous explique avec honnêteté et lucidité que, dans son enfance, il a acquis des facteurs de protection. Sa mère lui a fait le cadeau de lui donner la force de vivre.»
Sylvain Augier a en effet pu compter sur un amour maternel inconditionnel, mais aussi sur l’exemple de deux autres femmes: sa grand-mère et sa femme Carol. «Ma grand-mère a eu 14 enfants! Douze filles! Ce qui explique que je suis entouré d’énormément de cousins! Et c’est vrai que j’ai toujours été plus attiré par la gent féminine que masculine. Mon épouse avec laquelle je suis mariée depuis trente-trois ans est un soutien extraordinaire. Elle ne m’a jamais lâché mais elle m’a parfois secoué, engueulé. Quand je devenais accro à la morphine, après mon accident de parapente, elle m’a lancé: “si tu n’arrêtes pas je te quitte”, et j’ai stoppé ça dans la minute», confie celui qui souligne l’importance de la famille: «On y trouve l’amour qu’il faut avoir pour les autres.»
Ce besoin de partage est ancré dans les valeurs chrétiennes reçues par le jeune Sylvain. «Pendant des années j’ai servi la messe, je me suis marié à l’église et j’ai fait baptiser mes enfants. J’ai une base venue d’une enfance pétrie par la foi catholique. J’ai toujours été sensible aux hommes et aux femmes de religion. Pour mon métier, j’ai rencontré notamment Sœur Emmanuelle, à laquelle j’ai consacré un livre, ou encore Monseigneur Lustiger», explique le natif de Toulouse. D’autres personnalités ont marqué cet assoiffé d’absolu: Éric-Emmanuel Schmitt ou Hubert Reeves. «J’ai gardé une foi enfantine, peut-être un peu naïve», glisse celui qui s’est éloigné de la pratique religieuse mais croit plus que jamais que Dieu est amour.
Aujourd’hui, Sylvain Augier est un homme serein qui reçoit régulièrement à Sommières, près de Nîmes, devant 800 personnes, des écrivains de renom. Un journaliste heureux après une carrière placée sous le signe de la quête de sensations fortes et de spiritualité. Un auteur, enfin, qui savoure le succès que rencontre déjà son ouvrage sorti il y a quelques jours.