À «La Base» arrière de taxi de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, de vieux briscards munis de leur téléphone filment leur quotidien et l’évolution du métier dans un documentaire qui sort dans les salles mercredi. «Le premier contact avec Paris, c’est le taxi parisien», explique un chauffeur, élégamment vêtu d’un costume. Il fait partie des nombreux personnages hauts en couleur mis en avant par le réalisateur letton Vadim Dumesh sur la base arrière taxis (BAT) de l’aéroport parisien.

La BAT est un immense parking, où patientent 7j/7-24h/24 les chauffeurs avant d’être dispatchés sur les différents terminaux de la plateforme aéroportuaire pour embarquer le voyageur. En 2015, «j’ai mis mon pied dedans, j’étais bouleversé, je voulais m’investir dans ce microcosme», explique le réalisateur qui signe son premier long métrage.

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Pendant près de huit ans, Vadim Dumesh suit les chauffeurs de taxi dans ce «lieu unique, suspendu dans le temps. C’est intéressant de voir comment les gens s’approprient les lieux et le détournent de sa fonction de contrôle». Partie de dame, pétanque, jardinage, karaoké… chacun y va de son activité pour tuer le temps. Les chauffeurs surnomment avec ironie la base arrière «Guantanamo» en raison des longues heures qu’ils y passent. Une vie entre différentes communautés s’est créée autour de la BAT pour s’y sentir comme à la maison. Au pied des pistes, il y a celui qui a planté sa roquette venue de Turquie ou Ahmed et ses 28 ans de taxi qui a rapporté un arbre de son Maroc natal. Repas, offres d’emploi, bons plans et avis de décès se partagent au sein du groupe.

Les chauffeurs de taxi qui chroniquent leur quotidien avec leur téléphone portable ne maîtrisent pas tous l’image mais filment avec enthousiasme et surtout une volonté de garder un souvenir de leur métier en déclin. La bonne humeur s’étiole avec l’arrivée des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) et leur féroce cohabitation. Les taxis parisiens ont vu «Roissy se construire», devenir «jeune avec ses hôtels et immeubles» et eux finir par «vieillir», confie l’un d’eux.

Tout au long du documentaire d’une heure et demie, on déguste avec humour les scènes de vie de ces chauffeurs bigarrés au franc-parler. C’est un «boulot des immigrés», assure une conductrice. «Si vous nous mettez dehors vous allez prendre le train», s’amuse la jeune femme au fort caractère dans ce milieu majoritairement masculin. Pour le réalisateur, ce film documentaire est «sur Paris, sur les gens qui travaillent à côté de nous dans un monde invisible».