Elles sont courageuses, audacieuses et avant-gardistes. Célèbres ou inconnues, elles « ne font que ce qu’elles veulent ». Ce sont les « Culottées », les héroïnes de la bande dessinée de Pénélope Bagieu (Gallimard, 2016 et 2017). « Il est assez galvanisant de voir qu’il y a mille façons de prendre sa vie en main ! », se réjouit l’auteur. C’est une première pour la Comédie-Française. Avec le concours de Rachel Arditi, Justine Heynemann transpose ses héroïnes sur le plateau du Studio-Théâtre, au Carrousel du Louvre, l’une des trois salles du Français.
Hedy Lamarr (Françoise Gillard), l’actrice et productrice de cinéma, a inventé, avec le compositeur George Antheil, un moyen de coder des transmissions. Clémentine Delait, la femme à barbe (Séphora Pondi), joue la Maîtresse de cérémonie. Militante féministe, Thérèse Clerc (Coraly Zahonero) a fondé la Maison des femmes pour les victimes de violence ; Phulan Devi, « la Reine des bandits » (Claïna Clavaron), violée et battue, est devenue une légende en Inde ; la rappeuse afghane Sonita Alizadeh (Élissa Alloula) a remporté le prix Liberté pour son combat contre le mariage forcé.
L’album de Pénélope Bagieu a déjà été adapté en série animée par Phuong Mai Nguyen et Charlotte Cambon à la télévision (France 5, 2020). Sur un plateau encadré d’ampoules lumineuses, la magie du théâtre opère. Ces grandes figures féminines, à tous les niveaux, revivent devant nous. Justine Heynemann et Rachel Arditi ont dû s’arracher les cheveux pour choisir trente femmes hors du commun sur soixante. Toutes méritaient de renaître. Leurs deux « sœurs » leur rendent justice avec un souci de vérité et une finesse louable. Joséphine Baker entre ainsi sur la piste de cirque – ingénieux décor de Marie Hervé – sans sa ceinture de bananes, loin de l’image d’Épinal qu’on a d’elle.
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Également metteuse en scène, Justine Heynemann retrace leur destin à travers une suite de saynètes qui les voient prononcer une parole libératrice, mais aussi se croiser et s’interpeller. Sans tabous et sans colère, mais d’une voix assurée qu’on n’oubliera plus. Chaque « Culottée » est une pionnière, ose être elle-même et gravit « sa montagne » avec une force communicative.
Justine Heynemann dirige avec maestria et sur un rythme endiablé les comédiennes investies dans leur rôle. Elles déclenchent des rires, de l’émotion et de l’admiration. Le discret musicien Manuel Peskine accompagne l’entrée de Peggy Guggenheim ou de Wu Zetian, la première impératrice de Chine. Une belle déclaration d’amour aux femmes qui ont fait avancer le monde. Conseillé à partir de 7 ans, le spectacle affiche complet. On peut tenter sa chance en s’y rendant à l’avance.
Culottées, au Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre (Paris 1er), jusqu’au 3 mars. Loc. : 01.44.58.15.15.