Un nœud rose dans les cheveux, robe de mousseline mauve, sac à main, Blanche DuBois (Cristiana Reali) débarque chez sa « petite sœur », Stella (Alysson Paradis très convaincante), qui vit dans un quartier de La Nouvelle-Orléans. Apprêtée, fragile, elle s’inquiète à l’idée de rencontrer son mari, Stanley Kowalski (Nicolas Avinée, moustache agressive). Blanche attend sa sœur, s’étonne qu’elle vive dans ces « conditions épouvantables ». Un deux-pièces cuisine mal éclairé, séparé par des voiles transparents (décor de James Brandily). Blanche dormira sur son lit. « Ça ira ? », lui demande Stella. Combien de temps reste-t-elle ? Blanche l’ignore, elle a perdu Belle Rêve, la propriété familiale. Elle pleure beaucoup, Boit, mais veut donner le change.
Blanche, c’est la Marilyn des Désaxés. Inadaptée, cassée, névrosée, schizophrène (la metteuse en scène Pauline Susini insiste). Yeux humides, lèvres tremblantes, Cristiana Reali est comme déguisée en petite fille déséquilibrée. Surveillée par Stanley Kowalski, ouvrier d’origine polonaise, rustre et alcoolique, qui ne supporte pas sa présence et dont le loisir principal est de jouer au poker avec ses copains.
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Blanche vit dans la crainte qu’il découvre sa situation. Elle n’est plus professeur de littérature anglaise, elle est ruinée. Vieillissante, elle se leurre, se vêt de tenues extravagantes, vestiges de sa splendeur d’autrefois. Elle attendrit Mitch (Lionel Abelanski à son affaire), le meilleur ami de Stanley, un autre être esseulé, qui habite chez sa mère.
En vase clos, l’adaptation de Pauline Susini s’attache à la violence des relations entre les personnages qui court tout du long d’Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams, dans la traduction d’Isabelle Famchon. Pauline Susini souhaitait faire résonner l’intrigue dans la société d’aujourd’hui. Disputes, coups et agressions sexuelles instaurent une tension permanente. Secondée par une troupe solide, l’ex assistante de Joël Pommerat s’inscrit dans la lignée du film d’Elia Kazan, avec Vivien Leigh et Marlon Brando (1951).
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Un peu longue, la pièce ne quitte pas les pas de Blanche, qui perd le sens des réalités. « De la féerie ! C’est ce que je cherche à donner aux autres ! Je veux enjoliver les choses. Je ne dis pas la vérité, je dis ce que devrait être la vérité ! », clame t-elle. Hallucinante de justesse, Cristiana Reali, qui n’en est pas à son premier Tennessee Williams, a des postures de Joan Crawford, elle porte la pièce sur ses épaules, investie corps et âme dans l’incarnation de cette héroïne pathétique.
Une aristocrate déchue, candide et rouée, angoissée par la fuite du temps et prête à tout pour être aimée. Dans ce tramway nommé danger, la comédienne suscite, à coup sûr, la compassion.
Un tramway nommé désir , au Théâtre des Bouffes Parisiens (Paris 2e), jusqu’au 31 mars. Loc. : 01 86 47 72 43.