De Léon Blum à Jean Moulin, en passant par Romain Gary, ce lundi dans L’Enchanteur sur France 2, Charles Berling a interprété à plusieurs reprises des grands hommes de notre histoire. Il s’est aussi glissé dans la robe d’avocat – la véritable !- de Robert Badinter, pour L’Abolition, un téléfilm diffusé en 2009 sur France 2, à l’occasion duquel les deux hommes ont collaboré. Contacté à la mi-journée, le comédien nous répond avec une émotion très vive dans la voix.

Que représente Robert Badinter pour vous ?

Il représente tellement. C’est un homme qui a eu énormément de courage et qui a su faire de la politique sans être dépendant des fluctuations de l’opinion publique. Pour l’avoir interprété et entendu raconter l’histoire de son combat pour la peine de mort en particulier… Durant huit ans, il a été très minoritaire, insulté, et il a toujours gardé le cap avec Élisabeth Badinter, qui elle aussi est une grande force intellectuelle. C’est un homme qui vient de la seconde guerre mondiale. Il avait 14 ans quand son père a été emporté par la Gestapo. Il ne l’a jamais oublié, ça a fondé son esprit de justice, de défenseur absolu de la démocratie, des valeurs progressistes. Son refus systématique de revendiquer la mort comme une solution. C’est un humain meurtri dès le début. Et c’est une génération qui disparaît maintenant avec lui. Je me sens très orphelin des éclairages magnifiques de cet homme. Il a apporté quelque chose de fondamental dans le respect des valeurs profondes que l’on peut avoir.

Vous aviez travaillé ensemble sur les dialogues du téléfilm…

Oui, j’ai eu l’immense chance de le rencontrer à travers L’Abolition. De le rencontrer vraiment, car, quand on interprète quelqu’un comme lui, ça compte. Et nous nous sommes beaucoup vus avant le tournage, pendant et même après. ll m’a raconté beaucoup de choses. Ce qui se passe dans les tribunaux n’est pas écrit, il me l’a expliqué. Il participait énormément. Il a été fondamental. C’était un travail de mémoire mais aussi un travail très joyeux. J’ai compris plus encore le poids des mots. Et j’ai été très honoré car il m’a prêté sa robe pour le tournage. C’est un signe de confiance.

Vous vous êtes revus souvent ?

Oui. Nous n’étions pas proches mais nous nous sommes vus de nombreuses fois. J’aimais parler avec lui. Qui n’aurait pas aimé ?

N’était-ce pas trop difficile de jouer une personne que vous admiriez autant ?

Le rencontrer m’a permis de l’approcher, de le comprendre. Après, j’ai fait mon interprétation de son trajet, et de son trajet avec Élisabeth. Une fois parti dans le tournage, je me suis dit : «J’ai fait de mon mieux, si ça ne lui plaît pas, je n’y peux rien.» Il se trouve qu’il a été heureux du film. Et c’est une de mes plus grandes fiertés.