Comédie de Claude Zidi Jr, 1h42

Au loin, la musique des abysses accompagnée d’un sifflement de dauphin résonne. Au ralenti, Lorenzo (Jean Reno) fait son entrée, dos à la Méditerranée. Trente-six ans après la sortie du Grand Bleu , on est amusé de revoir ce patriarche, star des années 1990. À l’écran, une petite fille lui demande ce qu’il fait dans la vie. Comme les autres enfants dans la salle de cinéma, elle ne sait pas qui il est. «J’ai été tueur à gages, j’ai plongé en apnée, j’ai même voyagé dans le temps, mais ça, vous ne pouvez pas comprendre. Je vous parle d’un temps que les moins de 75 ans ne peuvent pas connaître», dit-il. Maison de retraite 2 joue avec les spectateurs. Les adultes vont sourire aux clins d’œil à Léon, au Grand Bleu et aux Visiteurs. Après le premier Maison de retraite , on retrouve nos jeunes orphelins qui cohabitent avec nos seniors. Pour l’été, cette grande famille recomposée part s’installer dans une maison de retraite nichée au milieu des cèdres et des pins, dans le Var. Ce paradis tourne vite en enfer car les nouveaux pensionnaires (Firmine Richard, Liliane Rovère, Daniel Prévost, Michel Jonasz) et les anciens (Amanda Lear, Chantal Ladesou, Jean Reno, Enrico Macias) se détestent. Ils organisent des réunions secrètes. La guerre des seniors est déclarée. Cette comédie familiale est ensoleillée et fort sympathique. La lumière soignée rend les personnages beaux malgré leurs rides. Ils sont drôles, libres de faire ce qu’ils veulent avec un grain de folie. Ils se moquent de tout. Avec son tee-shirt AC/DC et ses cheveux blancs en pétard, Liliane Rovère détonne. Amanda Lear, dite «Barbie», est une tornade blonde qui fume des joints en négligé de soie. Derrière la caméra, Claude Zidi Jr. signe une réalisation moderne, de style «cartoon» et pop. L.L.

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Drame d’Andrew Haigh, 1h45

En cette Saint-Valentin, vous ne trouverez pas un film plus poétique, obsédant et déchirant que Sans nous connaître, adaptation délicate et sensuelle dans le Londres d’aujourd’hui de la nouvelle Présences d’un été du Japonais Taichi Yamada. Un conte inclassable entre romance, transcendance et fantômes. Scénariste en quête d’inspiration, Adam vit dans une tour moderne aux appartements inoccupés. Une nuit, il croise dans l’ascenseur Harry, un voisin qui l’invite chez lui. Les deux hommes se plaisent mais Adam n’ose pas sauter le pas. Bousculé par cette rencontre qui brise la monotonie, Adam retourne dans la banlieue où il a grandi avant qu’un accident de voiture n’emporte ses parents, il y a trois décennies. Sur place, il découvre, ébahi, ses géniteurs bel et bien en vie, éternels trentenaires. En leur présence, et celle de Harry, Adam trouve un réconfort inédit. À l’horreur qui infusait le conte de Yamada, le réalisateur britannique Andrew Haigh, déjà remarqué avec 45 ans , préfère le surréalisme. Il transforme cette odyssée en rêve éveillé et disjoint qui vire parfois au cauchemar lors de virées en boîte, où les sens sont submergés. Inspiré par les tableaux de Francis Bacon, il fait évoluer ses personnages dans des espaces confinés et nocturnes, comme suspendus dans le temps et l’espace. Autre ajustement qui reflète le parcours d’Andrew Haigh et ses sensibilités, le couple hétérosexuel originel devient un duo queer. Dans la maison familiale, Adam est choyé comme le gamin qu’il a été. Comme tous les parents, les siens veulent savoir si leur fils est heureux. Mais comment expliquer à des adultes des années 1980 qu’il est gay? Réduire Sans nous connaître à cette dimension militante serait un raccourci erroné. À travers la sincérité à fleur de peau de ses comédiens, Andrew Scott et le moustachu Paul Mescal, interprètes respectifs d’Adam et de Harry, Andrew Haigh explore la nasse de la solitude, fléau universel. C.J.

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Biopic de Reinaldo Marcus Green, 1h47

Il aura fallu attendre quarante-trois ans pour que Bob Marley, une des figures les plus charismatiques du XXe siècle, fasse l’objet d’un biopic. Des réalisateurs aussi chevronnés que Martin Scorsese ou Oliver Stone (excusez du peu) s’y sont cassé les dents. Bob Marley. One Love est sur les écrans grâce à l’acharnement du réalisateur américain Reinaldo Marcus Green. On lui saura gré de ne pas avoir brossé les trente-six ans de vie du chanteur – ce qui plombe la majorité des biopics – pour se concentrer sur quelques années décisives de sa vie et de sa carrière: la séquence qui va de 1976 à 1978. Le Britannique Kingsley Ben-Adir s’acquitte très bien du rôle. Sans jamais jouer les clones, il est crédible dans la peau de ce héros tour à tour volcanique et introspectif. Les scènes musicales sont particulièrement réussies, alors qu’elles sont souvent ratées dans ce genre de film. La réussite de Bob Marley. One Love tient aussi à la plongée qu’il offre dans la Jamaïque de la fin des années 1970, au contexte politique explosif. On est plus réservé sur les flash-back grandiloquents qui placent Marley gamin face à la figure paternelle, une silhouette masculine intimidante à cheval. O.N.

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Comédie de Reem Kherici, 1h26

Les Anglo-saxons ont brillé avec Paddington, Ted et Garfield. L’Italo-Tunisienne, née à Neuilly sur les bords de la Seine, Reem Kherici réplique avec Chichi de la street, le labrador gansgta et Diva, la Maine Coon au «booty shake» de Beyoncé. Ces deux-là qui n’étaient pas faits pour se rencontrer vont devoir s’allier pour relier Montréal à New York. Ils sont poursuivis par un voleur (Franck Dubosc) et une instagrameuse (Reem Kherici), eux-mêmes pourchassés par un shérif aux intentions douteuses (Philippe Lacheau). Dans le cinéma français, la réalisatrice, scénariste et actrice Reem Kherici est la première à oser se lancer dans le mélange d’images réelles et d’animaux en images de synthèse 3D. À l’arrivée, Reem Kherici a réussi son pari. Elle a su tenir le plus gros budget jamais confié à une réalisatrice française, soit 21 millions d’euros. Son film est drôle, rythmé. Et ce qui est rare dans la comédie : il est beau. Comme Tim Burton avec Dumbo, Reem Kherici a agrandi les yeux de ses animaux pour mieux faire passer leurs émotions humaines. Ils parlent aussi. «C’était mon rêve d’enfant de faire parler des animaux», dit cette grande amoureuse des chats. Comme elle dans la vie, le ton bascule en un clin d’œil du rire tonitruant à l’émotion. L.L.

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Drame d’Alix Delaporte, 1h23

Peut-être qu’il ne faudrait jamais quitter Montauban. Là-dessus, les tontons flingueurs sont formels. Partir de Grenoble, c’est autre chose. On ignore ce qu’en auraient pensé les gangsters de Lautner. Donc Gabrielle (Alice Isaaz) débarque à Paris avec ses illusions et son sac à dos. Elle rêve de devenir journaliste (défense d’ajouter: la pauvre). Stagiaire pour une prestigieuse émission de reportages, tels sont ses premiers pas dans la carrière. Il faut un début à tout. Dans les bureaux, cela s’agite. Les téléphones sonnent à droite et à gauche. Les équipes sont sur le qui-vive. Pascale Arbillot, avec ses lunettes sérieuses, accueille la recrue avec une tendresse pète-sec. Le rédacteur en chef secoue ses troupes. La nouvelle suit le mouvement. Elle doit apprendre à démonter une caméra en deux temps, trois mouvements. Elle observe. Elle apprend. Évidemment, la bizute commet des bourdes. Ça, elle parle trop. Mais elle croyait bien faire. C’est le métier qui rentre. Le responsable de la chaîne a des exigences. De l’audience, toujours de l’audience. «L’international, ça marche plus», assène Louis Leprince-Ringuet dans son costume gris. Et l’Afrique? C’est là-bas que ça se passe, pourtant. Trop dangereux. En plus, les crédits sont resserrés. Et s’ils allaient filmer un défilé de mode? Les vieux de la vieille renâclent, obéissent en traînant les pieds. L’ambiance n’est plus au beau fixe. Gabrielle assiste au délitement d’un milieu. La presse audiovisuelle n’est plus ce qu’elle était. Alix Delaporte montre une profession sur le déclin, avec ses impératifs économiques, la censure qui ne dit pas son nom, les coups de blues et les moments de fraternité. La vie de famille en prend pour son grade. Même pas le temps d’avoir un enfant. Les divorces, les échecs planent sur ces correspondants micro au poing. Le film, modeste, solide, impliqué, aurait sans doute gagné à se concentrer sur une intrigue (les triades). Inutile de faire la fine bouche. Tel quel, Vivants décrit des gens au travail, scrute une passion démodée. C’est déjà ça. É.N.

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Biopic d’Olivier Py, 1h34

«Qu’est-ce donc? Qu’avez-vous?» demandait Philinte à Alceste. Eh bien, une petite migraine et un léger haut-le-cœur, pourrait répondre le spectateur en sortant de la projection du film d’Olivier Py sur les dernières heures de Molière. Était-ce une copie de travail? Une farce? 17 février 1673, Théâtre du Palais-Royal: dans sa loge, Molière se prépare à monter sur scène, où il jouera Argan, malade imaginaire. Pour la dernière fois. Molière, délaissé par le roi, regarde son visage de mort dans le miroir. Il tousse comme un tubard, il crache le sang. Il va crever. Laurent Lafitte est Molière. Nous n’avons rien à reprocher à l’acteur, seulement de se retrouver devant la caméra d’Olivier Py, qui réalise ici un film d’une exemplaire nullité. Filmé à la lumière des bougies afin de donner un sfumato crépusculaire aux derniers instants de Molière, ce film avait quelques ambitions esthétiques, comme tous les grands ratages. Passons au propos, à la thèse, du film. Molière, dont on ne sait pratiquement rien, est l’objet idéal de fantasmes. Ceux du philistin Py ne sont guère originaux. Il en fait un sodomite dans un monde de sodomites. Tout le monde est peu ou prou gay au pays des précieuses ridicules. Molière est amoureux du petit Michel Baron, un jeune et bel acteur de la troupe qui fut l’amant d’Armande Béjart et le giton du duc de Bellegarde. Dans ce décor mangé aux mites, des visages poudrés défilent en gros plans prétentieusement chiadés. Ah, c’est qu’il faut de l’élégance pour filmer la décadence! A.P.

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