Mati Diop, bête à concours ? Après un Grand Prix au festival de Cannes en 2019 pour son premier long-métrage, Atlantic, la réalisatrice franco-sénégalaise décroche l’Ours d’or à la Berlinale avec Dahomey. Un passage de la fiction au documentaire pour raconter la restitution par la France de 26 trésors royaux du Dahomey au Bénin en novembre 20021. 26 sur des milliers pillés par les troupes coloniales françaises en 1892. La cinéaste filme d’abord la mise en caisse des œuvres au musée du Quai Branly avant leur rapatriement sur leur terre d’origine. Parmi elles, la Numéro 26 s’exprime depuis les ténèbres – les objets ont une âme et une voix de stentor à la Dark Vador. Mais Mati Diop donne surtout la parole aux étudiants de l’université d’Abomey Calvi. Leur débat est le cœur du film. Ils s’interrogent sur le fait de s’exprimer en Français, la langue du colonisateur, sur les visées politiques de cette restitution (propagande des présidents Macron et Patrice Talon ?), le statut de ces objets dans un pays où la muséographie est inexistante… Chaque intervention part dans une direction différente. Si aucun film ne peut épuiser un tel sujet, Dahomey, assez paresseux dans sa forme, ne fait qu’effleurer en 67 minutes des questions passionnantes. Cela a pourtant suffi pour convaincre l’actrice mexicano-kényane Lupita Nyong’o (12 years a slace, Star Wars, Black Panther), première artiste noire présidente du jury à la Berlinale.

Dahomey succède à Sur l’Adamant, premier volet sur la psychiatrie de Nicolas Philibert. On peut y lire l’affirmation de la reconnaissance d’un genre, le documentaire. On peut aussi y voir, en creux, la faiblesse de la fiction, ou des fictions, proposées par la compétition berlinoise. Il a pourtant bien fallu compléter le palmarès.

Le Grand Prix remis à A Traveler’s Needs de Hong Sangsoo ressemble à un canular. On y voit Isabelle Huppert donner des cours de français en anglais à des Sud-coréens. Après la méthode Asssimil, la méthode à Isa, fondée sur le ressenti. Nous n’avons malheureusement pas vu Pepe, qui vaut à Nelson Carlos De Los Santos Arias le Prix de la mise en scène. L’histoire d’un hippopotame. Si, si.

Le Prix du jury récompense L’Empire de Bruno Dumont, version ch’ti de Star Wars, qui transforme un village du Nord de la France en terrain d’affrontement entre les forces du Bien et du Mal. Actuellement en salles.

L’Allemand Matthias Glasner reçoit le Prix du meilleur scénario pour Sterben, l’histoire d’un couple en fin de vie (parkinson, cancer) et de ses deux enfants, adultes aux déboires sentimentaux ordinaires. Un petit air de Michael Haneke, le sentimentalisme en plus.

Le prix d’interprétation, non genré, revient à l’Américain Sebastian Stan pour A Different man, d’Aaron Schimberg. Une satire de la beauté, de ses diktats et de ses privilèges, à travers un aspirant acteur new-yorkais atteint d’une maladie qui déforme son visage. Stan aurait pu partager le prix avec son partenaire Adam Pearson, lui véritablement atteint de neurofibromatose, dans ce qui ressemble à un remake d’Elephant Man par Woody Allen.

Enfin, Emily Watson, pour son rôle de mère supérieure dans l’insignifiant Small Things Like These, avec Cilian Murphy, obtient le prix du meilleur second rôle. C’est bien payé.