«Mièvre», «réducteur», «trop lisse»… Le film qui retrace la vie d’Amy Winehouse, le deuxième en date après Amy de Asif Kapadia, sorti en 2015, laisse dubitatif. Pour illustrer la vie de l’artiste morte à 27 ans, la réalisatrice Sam Taylor-Johnson s’est attachée à raconter la création de son album Back to Black. Elle relate la relation tumultueuse de la chanteuse avec son mari Blake Fielder-Civil, interprété par Jack O’Connell (Money Monster, L’Épreuve du feu), source d’inspiration de la chanteuse pour écrire cet album. Le long-métrage commence au début des années 2000, moment où Amy Winehouse fait ses premiers pas dans le monde du jazz. Ascension fulgurante, carrière incroyable et descente aux enfers : la trame est cinématographique.

Back to Black, le film, tape quasi systématiquement à côté selon la critique. Et ne rend certainement pas justice à l’icône londonienne. Selon notre chroniqueur Olivier Nuc, le biopic «fait d’Amy Winehouse ce qu’elle n’était pas: un personnage banal et prévisible». Pour le magazine des Inrockuptibles , le «récit est indigne de sa protagoniste». Le film fait abstraction du travail d’écriture de la défunte chanteuse, comme le constate Laure Narlian, de France Info, déçue que l’on «ne voit quasiment pas le travail et l’exigence professionnelle» d’Amy Winehouse.

Dans les colonnes du Parisien , Renaud Baronian alertent les spectateurs qui seraient malgré tout tentés : ils n’apprendront «pas grand-chose […] de l’extraordinaire talent de la star pour les mots et les notes». Selon Le Monde , le film s’attache davantage à l’histoire d’amour passionnée et toxique d’Amy Winehouse et Blake Fielder-Civil, que le journal décrit comme «le délice d’une déchéance à deux, d’un amour qui consume et qu’on s’injecte à très haute dose.»

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Love is a losing game, Stronger than me, Rehab… Marisa Abela (Industry, Cobra), qui campe ici Amy Winehouse, reprend elle-même les titres de la star et réussit, au milieu du naufrage, à fournir une performance convaincante selon certains. France Info félicite l’actrice qui «crève l’écran et fait un travail absolument remarquable, y compris au micro». Le Monde confirme qu’elle «rend présente Amy Winehouse». Tout comme La Croix. Mais ce n’est pas l’avis d’Olivier Nuc qui juge qu’«à aucun moment l’actrice n’est capable de se hisser à la hauteur du personnage».

Autre écueil pour Back to Black: le portrait du père est trop élogieux. Alors qu’en 2015, Asif Kapadia n’a pas hésité à mettre l’accent sur la responsabilité du père de la star dans sa chute, le biopic de Sam Taylor-Johnson semble «réécrire l’histoire pour minimiser le rôle de son père», selon France Info, qui indique que les deux hommes de la vie d’Amy Winehouse «sont en effet particulièrement épargnés par le film». Les Inrockuptibles se désolent eux aussi d’une «volonté d’arrondir les angles douloureux de l’histoire torturée d’Amy Winehouse».

Mitchell Winehouse (joué par Eddie Marsan), accusé d’avoir exploité sa fille et de l’avoir découragée à aller en cure de désintoxication, malgré ses addictions, est décrit comme «un père aimant» et «éminemment sympathique», selon France Info. Blake Fielder-Civil qui l’a initié aux drogues dures et jugé par beaucoup comme responsable de l’effondrement progressif de l’interprète de Rehab, subit le même sort et paraît «très édulcoré», selon Sophian Fanen, journaliste et auteur de l’enquête Amy pour la vie. Il constate: «c’est quand même quelqu’un qui profite d’elle, et là, il apparaît comme un gentil garçon». De son côté, la chanteuse est dépeinte comme «une pauvre nunuche accro à son terrible boy-friend» alors qu’«Amy Winehouse était bien plus, tellement plus que cela», reprend Le Parisien.

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Back to Black manque donc de beaucoup de choses et l’attente de ce biopic sur l’une des plus grandes chanteuses du début de ce siècle fut vaine. Libération dénonce un «effet de cinéma» et regrette qu’«Amy Winehouse, à regarder le biopic qui est supposé honorer sa vie, son œuvre, sa tragédie, n’a vécu que pour être possédée par le cinéma».