« Non, mais tu vas te taire ! », répète Gabriel (Franck Vincent) à sa nièce Zazie (Alexandra Datman, une révélation), dont la mère (Florence Pelly), qui a rendez-vous avec son dernier « coquin », lui confie la garde. « Mon cul ! », clame l’intéressée, qui veut devenir institutrice « pour faire chier les mômes ». Heureusement pour les bonnes mœurs, la gamine, qui aurait « 13 ans » – Raymond Queneau passe son âge sous silence dans Zazie dans le métro -, n’a pas sa langue dans sa poche. La petite provinciale a deux obsessions : prendre le métro, mais il y a une grève, et elle devra prendre le taxi de Charles (Gilles Vajou), l’ami de Gabriel. Et savoir si oui ou non son tonton, qui porte « Barbouze, un parfum de chez Fior », est « hormosessuel ». « Il paraît qu’avec lui, j’ai rien à craindre », lance-t-elle.
La vérité sort de la bouche des enfants. Rebelle en polo rayé et jean, incontrôlable, Zazie ne s’en prive pas. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, la fillette bouscule et dérange les « honnêtes gens », épingle les conventions sociales dans un Paris stylisé. Raconte les « papouilles zozées » de son père trucidé par sa mère. Elle envoie balader Turandot, le propriétaire de l’appartement (Fabrice Pillet), le policier Trouscaillon ou la veuve Mouaque, croise Mado P’tits Pieds (Delphine Gardin) et des satyres en puissance. Les insultes pleuvent. « Tu vois comment ça raisonne déjà bien une mouflette de cet âge ? », fait remarquer Gabriel (Jean Fürst, sur son quant-à-soi sous une perruque blonde) à sa femme, la digne Marceline.
Qui d’autre que Zabou Breitman pouvait transposer aussi bien le roman de Raymond Queneau (Gallimard, 1959) au théâtre ? La comédienne-réalisatrice, dont les parents étaient membre de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), a coupé et modifié le texte originel, mais l’essence « oulipienne », fantasque et moqueuse de l’auteur, est là. Louis Malle a été plus prudent dans son film en 1960.
On devine que l’ancienne animatrice de « Récré A2 » a de l’affection pour son héroïne. Surnommée Zazie enfant, Zabou Breitman restitue son franc-parler. Le texte homérique mâtiné d’une pointe de Shakespeare – Queneau a même pensé un temps à Pirandello – semble avoir été écrit hier. « J’ai fait ce qui me plaisait », disait ce précurseur de
Zabou Breitman lui emboîte le pas avec le génial Reinhardt Wagner, dont les compositions enlevées accompagnent la course de Zazie. Les deux artistes s’étaient déjà associés pour Poil de carotte (2019). Remarquables, des musiciens jouent aussi des personnages. Zabou Breitman exploite les arts du music-hall, du cartoon et de la danse pour livrer une fable rocambolesque et impertinente qui fait rire, mais pas seulement.
Zazie dans le métro , à la MC93 à Bobigny, jusqu’au 23 mars. Puis en tournée.
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