Les «visions» occasionnées par l’ayahuasca, une plante hallucinogène d’Amazonie utilisée comme «médecine» enseignante et porte vers d’autres mondes, sont au cœur d’une exposition consacrée aux usages de cette liane dans la culture et les arts du Pérou, au musée du Quai Branly à Paris.
Textiles, peintures, céramiques et vidéos témoignant de son utilisation dans la médecine traditionnelle péruvienne et dévoilant les rituels chamaniques auxquels elle donne lieu sont à découvrir à partir de mardi. Ils racontent une histoire qui plonge dans les racines de la culture amérindienne et a inspiré nombre d’artistes occidentaux en quête de sens et de sensations fortes, dont certaines œuvres et inventions sont aussi présentées.
Temps fort de cette exposition: une expérience de réalité virtuelle, Ayahuasca – Kosmik Journey du cinéaste Jan Kounen (notamment réalisateur de Dobermann en 1997), permet de tester, sans ingérer de substance, les sensations du rituel de l’ayahuasca, décoction éponyme de la plante dont l’ingestion provoque des visions psychédéliques et peut laisser le visiteur nauséeux.
Longtemps réservée aux populations amérindiennes, l’ayahuasca est classé au patrimoine culturel du Pérou depuis 2008. Comme d’autres substances hallucinogènes d’Amérique du Sud, elle s’est diffusée à travers le monde sous l’influence de pionniers de la contre-culture américaine, comme les écrivains William Burroughs et Allen Gisberg ou, avant eux, Aldous Huxley.
Rebaptisées «psychédéliques», elles sont devenues pour certains Occidentaux une source d’inspiration artistique mais aussi l’objet d’un «tourisme chamanique» porté par un intérêt grandissant pour les thérapies alternatives, auxquelles s’intéresse de plus en plus la communauté scientifique, comme le montre l’exposition.
Elle introduit le visiteur à l’art des «Kené» des Shipibo-Konibo d’Amazonie, des «dessins géométriques et labyrinthiques colorés – reproduits sur des textiles et céramiques notamment – qui jouent le rôle de médiation avec le monde spirituel et occupent une place centrale dans leur culture, souvent présentés comme issus de l’ingestion d’ayahuasca», explique David Dupuis, chercheur à l’Inserm et commissaire avec Elise Grandgeorge, historienne de l’art.
Ces visions et ces pratiques traditionnelles ont donné lieu au XXe siècle à un «art visionnaire» péruvien, dont le musée présente quantité d’œuvres comme des tableaux du peintre et chamane Pablo Amaringo, et de ses successeurs des années 1990 qui ont accédé à une reconnaissance internationale. Leur peinture, parfois effectuée sur des supports en écorce, est à la fois figurative et fantasmagorique. Elle fait la part belle à la faune et à la flore amazoniennes et vénère l’anaconda, l’un des plus gros serpents, qui «représente l’esprit de l’ayahuasca», selon M. Dupuis.
Un ensemble de sculptures peintes, représentant elles aussi des animaux et des plantes, réalisées par l’actuelle école Onanyati (la «sagesse des anciens»), témoigne pour sa part de l’alliance sans cesse renouvelée entre héritage culturel et créativité.