Chaque année depuis 1983, Art Rock conjugue le meilleur de la production artistique, avec un accent fort sur la pluridisciplinarité. Fondé par un couple de passionnés, Jean-Michel Boinet et Marie Lostys, la manifestation est devenue une valeur sûre du calendrier des festivals. Chaque week-end de la Pentecôte, la ville de Saint-Brieuc s’anime de multiples propositions.

Samedi soir, sur la grande scène, la foule n’avait d’yeux que pour Zaho de Sagazan. Récompensée par trois Victoires de la Musique en février dernier, la Nantaise a sorti La symphonie des éclairs, un premier album remarquable, au printemps 2023. Entre chanson française et electro, Zaho de Sagazan s’est taillé une place de choix dans le paysage. Après avoir rempli le Zénith de Paris voici quelques semaines, l’artiste sillonne les scènes des festivals avec un bel entrain. Elle sera incontournable cet été.

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C’est avec vingt bonnes minutes de retard sur l’horaire prévu que la vingtenaire monte sur scène. Vêtue d’un cycliste noir, en haut ample, elle s’élance telle une athlète. Elle est loin la jeune femme timide que l’on découvrait il y a quelques années, avec une seule poignée de chansons pour répertoire. La scénographie est faite d’un assemblage de structures en acier assez design, au sein duquel évoluent quatre accompagnateurs qu’elle qualifie de «copains» : deux claviéristes à l’arsenal impressionnant, et deux percussionnistes.

Composant une personnalité scénique intrigante, la chanteuse, tonique et assez radicale, délivre un set nouveau. On peut douter du choix d’interpréter une chanson moyenne comme Le dernier des voyages en deuxième position, mais la jeune femme s’en sort par une pirouette. «Celle-ci n’est pas sur l’album mais nous allons la jouer quand même.» Du cran et de l’audace, Zaho en a à revendre. L’an passé, elle se produisait déjà dans le cadre de ce festival, mais sur une plus petite scène.

Cette fois, elle est la reine incontestée de la soirée. «J’ai une grande capacité d’imagination au sujet de l’amour» lâche-t-elle. «J’ai 24 ans mais je ne l’ai jamais connu.» Elle en a fait le thème central de ses excellentes chansons. Sa maîtrise est impressionnante. Très bonne chanteuse, elle sait doser ses effets, de la confession intime au piano à l’exubérance techno. L’intensité monte au fil d’un spectacle tout entier consacré à la musique. D’une grande modernité, Zaho de Sagazan fait montre d’une vraie sauvagerie. Elle est capable de faire passer des audaces stylistiques dans des chansons qui ne laissent personne de côté. Jolie prouesse. On ne voit personne dans le paysage capable d’emmener le public dans une transe electro avec des paroles si personnelles. Chez Zaho de Sagazan, cela ne procède jamais du grand écart. C’est avec beaucoup de finesse que la chanteuse et ses musiciens font monter la pression. «Il est temps de se réveiller et de suer un peu» lance-t-elle au public. «Il va y avoir du kick sur tous les temps, maintenant.»

Morceau culte, sa symphonie des éclairs est reprise à tue-tête par le public, chauffé à blanc. On se croirait dans un club berlinois de techno. Elle scande «Hab sex mit mir (faites l’amour avec moi dans la langue de Goethe)» avec une belle conviction. «Dansez, dansez il est l’heure de danser, vas-y lâche-toi Saint-Brieuc»… Après avoir mouillé le maillot pendant une heure et demie, la chanteuse ne semble pas prête à quitter la scène. Elle annonce un nouveau morceau avant de se raviser. «Je suis désolée, on ne va pas pouvoir continuer. Ce n’est pas moi qui fais les règles», dit-elle déçue. Dans un monde parallèle, Zaho de Sagazan aura joué toute la nuit. Grande artiste, grand concert.