«Personne ne souhaite quitter sa maison», affirme Amnesty International dans un rapport publié mardi sur leur site. Ces mots sont ceux d’une habitante d’Angkor, vivant depuis plus de 70 ans sur le site classé au patrimoine mondial de l’Unesco et forcée de quitter sa demeure par les autorités cambodgiennes au nom de la «conservation». Les quelques 400km² du site protégé d’Angkor, classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992, sont le lieu de résidences de près de 120.000 personnes (en 2013 selon des chiffres de l’AFP). Aujourd’hui les temples d’Angkor sont menacés par le tourisme de masse mais également par la pression qu’exercent les habitants sur l’environnement, qu’il s’agisse de la gestion des déchets ou de l’emploi toujours plus important de l’eau.

Pour son rapport, Amnesty a interrogé 100 résidents des temples d’Angkor sur les pratiques douteuses de la police cambodgienne. Le constat de l’organisation est sans appel : «Les autorités cambodgiennes ont cruellement déraciné des familles qui vivaient à Angkor depuis plusieurs générations, les obligeant à vivre au jour le jour sur des sites mal équipés». Les témoignages recueillis par Amnesty font état d’une politique de pression menée par les autorités cambodgiennes qui ne laissent pas d’autres choix aux habitants que de «partir ou d’intégrer le programme de réinstallation».

«Ils ont dit que ce n’était pas obligatoire, mais que si on ne part pas, on perd nos terres… Alors on s’est portés volontaires», explique un habitant aux enquêteurs d’Amnesty International.

L’ONG a donc choisi d’interpeller directement l’organisation dépendant des Nations unies, la sommant d’agir. «Si l’Unesco est déterminée à placer les droits humains au cœur de toutes ses actions, elle se doit de condamner fermement les expulsions forcées en tant qu’instrument de gestion d’un site du patrimoine mondial, d’user de son influence pour exiger que le gouvernement cambodgien y mette fin et de faire pression en faveur d’une enquête publique et indépendante», écrit Amnesty.

Mercredi, au lendemain de la publication de l’enquête d’Amnesty, l’Unesco a publié une réponse. L’organisation pour la conservation du patrimoine se dit «profondément préoccupée par les allégations contenues dans le rapport d’Amnesty International» et nie toute implication dans «le programme de déplacement de populations à Angkor mené par les autorités cambodgiennes».

Dans son communiqué, l’Unesco appelle les autorités cambodgiennes à prendre des mesures immédiates pour respecter les droits des résidents et «ne pas procéder à des expulsions forcées à Angkor». Enfin, l’organisation annonce avoir avancé les échéances du nouveau rapport national sur l’état de conservation du site d’Angkor. Prévu pour le 1er février 2024, ce nouveau rapport «devra inclure une réponse aux allégations d’Amnesty International», conclut l’Unesco.