Une bonne, et une mauvaise nouvelle. La Commission européenne a nettement revu à la baisse jeudi ses prévisions d’inflation et de croissance pour la zone euro cette année, soulignant l’impact des hausses de taux d’intérêt sur l’économie et sur les prix. L’inflation dans les 20 pays partageant la monnaie unique devrait atteindre 2,7% en 2024, selon l’exécutif européen. A l’automne dernier, il tablait encore sur 3,2%. Contrepartie de cette réussite, la croissance est bien moins bonne qu’attendu. La Commission table désormais sur 0,8% cette année, alors qu’elle s’attendait encore à l’automne à 1,2%.
Après un faible début d’année, «le rebond attendu en 2024 devrait être plus modeste que prévu il y a trois mois, mais s’accélérer progressivement grâce au ralentissement de la hausse des prix, à l’augmentation des salaires réels et à la solidité remarquable du marché du travail», a déclaré le commissaire européen à l’Economie Paolo Gentiloni. La croissance souffre des taux d’intérêt élevés imposés par la Banque centrale européenne (BCE) pour calmer une inflation record, dans le sillage de la guerre en Ukraine qui a fait exploser les tarifs de l’énergie.
Cette politique montre des résultats. La hausse des prix à la consommation s’est limitée à 2,8% dans la zone euro en janvier, selon l’office européen Eurostat. Elle a été plus que divisée par trois depuis le record de 10,6% atteint en octobre 2022. Mais, en parallèle, la zone euro a frôlé la récession en fin d’année dernière, enregistrant une croissance nulle au dernier trimestre, en glissement trimestriel, après un recul de 0,1% sur la période juillet à septembre. Globalement l’économie stagne depuis près d’un an et demi. Le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a seulement progressé de 0,5% sur l’ensemble de 2023 par rapport à l’année précédente.
«L’économie européenne laisse derrière elle une année extrêmement difficile», a reconnu Paolo Gentiloni. Outre le fort resserrement monétaire, la croissance a été freinée l’an dernier par l’érosion du pouvoir d’achat des ménages et un soutien budgétaire plus faible de la part des gouvernements soucieux de redresser les finances publiques.Cependant, «la baisse des prix des matières premières énergétiques et le ralentissement de la dynamique économique ont placé l’inflation sur une trajectoire descendante plus prononcée que prévu», a expliqué la Commission dans un communiqué.
L’inflation devrait poursuivre sa baisse l’an prochain pour atteindre 2,2%, tout près de l’objectif de 2% fixé par la BCE, a souligné M. Gentiloni. Parallèlement, la Commission voit la croissance se redresser à 1,5% en 2025. Les marchés financiers anticipent une baisse des taux d’intérêt de la BCE cette année qui pourrait redynamiser la demande de crédit et donc la consommation et l’investissement. «Cependant, le paysage mondial reste très incertain», a prévenu le commissaire au Commerce, Valdis Dombrovskis. «Nous suivons de près les tensions géopolitiques, qui pourraient avoir un impact négatif sur la croissance et l’inflation», a-t-il averti.
Ces prévisions sont «entourées d’incertitude» liées en particulier au risque d’extension du conflit au Moyen-Orient. Les attaques de navires en mer Rouge contraignent des armateurs à emprunter des routes plus longues pour le transport de marchandises. Certains redoutent une flambée des cours du pétrole et du gaz. «L’augmentation des coûts d’expédition à la suite des perturbations commerciales en mer Rouge ne devrait avoir qu’un impact marginal sur l’inflation», estime la Commission. «D’autres perturbations pourraient toutefois entraîner de nouveaux goulets d’étranglement au niveau de l’offre, ce qui pourrait étouffer la production et faire grimper les prix», prévient-elle.
Les entreprises européennes suivent aussi avec inquiétude l’évolution de la guerre en Ukraine qui a entraîné l’arrêt des approvisionnements de gaz russe bon marché vers l’UE. La forte hausse des tarifs du gaz et de l’électricité a déjà structurellement affaibli des pans entiers de l’industrie, comme la chimie et la métallurgie.