Les photos ont fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Ici, une cafetière. Là, une couette. Le tout accompagné d’un mystérieux communiqué envoyé à la presse locale, revendiquant cette série de vols «militants» dans les Airbnb de la ville. «Ces perquisitions ne sont que le début d’un projet plus large, qui vise à l’éradication des Airbnb et de la présence de leurs multipropriétaires dans la cité phocéenne», prévient le texte, signé d’un collectif baptisé « Ami

Contactés, ni le parquet de Marseille ni la police n’ont eu connaissance de plaintes suite à ces supposés vols dans les meublés de tourisme. Mais l’envoi de cet étrange communiqué intervient dans un contexte particulier dans la deuxième ville de France, qui a connu une série d’actions coup de poing visant spécifiquement les Airbnb.

Il y a eu d’abord en mars dernier des banderoles contre les Airbnb au carnaval de La Plaine, manifestation militante et politique qui a lieu chaque année dans le quartier du même nom sans être déclarée. Dans la rue, les contestataires accusent Airbnb d’aggraver une crise du logement que Marseille connaît depuis plusieurs mois. La ville, menée par l’ancien socialiste Benoît Payan, a d’ailleurs elle-même annoncé dès 2021 une série de mesures pour réduire le nombre de meublés touristiques.

Et quelques jours après cet événement militant, l’opposition se fait plus frontale, avec le saccage d’un Airbnb dans ce même quartier de La Plaine. Le propriétaire d’un T3 découvre ainsi son appartement mis à sac, avec, sur le mur, des inscriptions pour le moins explicites : «Stop Airbnb», «Les logements c’est pour vivre, pas pour se faire de l’argent», «Un Airbnb = un quartier qui meurt», « Airbnb fait exploser les loyers, dégagez !». Plusieurs semaines plus tard, les militants anti Airbnb s’en prennent aussi aux boîtes à clés de ces logements en les découpant. À la rentrée, des photos de propriétaires de logements Airbnb sont affichées en grand dans le quartier très touristique du Panier. En novembre, dans ce même quartier, des tags hostiles à Airbnb sont découverts sur les murs.

«Ça prend quand même des proportions… soupire une propriétaire marseillaise d’Airbnb sous couvert d’anonymat. Mon nom a été publié sur un blog, avec de fausses informations sur mon logement et les profits que j’en tirerais. J’envisage une plainte pour diffamation. Je trouve ça très triste qu’on en arrive là, au point peut-être de dissuader les touristes de venir à Marseille, à l’aube des Jeux Olympiques !»

À lire aussiCe que vous risquez si vous faites la fête dans un logement loué sur Airbnb

«Il y a une gradation dans les actions qui interpelle quand même, constate Patrick Amico. Il faut déjà souligner que la mairie n’y est pour rien. On détourne mon nom, soit. La ville a sa brigade mais elle ne fait pas ce genre de choses ! Elle fait ce qu’elle peut pour lutter contre les Airbnb, en refusant par exemple 80 % des demandes de changement d’usage. Mais la ville reste dans ce que la loi lui permet de faire, et j’invite les propriétaires victimes à porter plainte.»

«On a des secteurs où les résidences de tourisme sont très nombreuses, poursuit l’adjoint au maire en charge du logement. Il y a une certaine exaspération de la population locale que je peux comprendre. La valse des valises à roulettes, les bruits la nuit, les dégradations des parties communes… Il y a un problème de cohabitation, sans compter qu’il est plus difficile de se loger dans certains quartiers. Pour autant, je ne peux que regretter ce qu’il se passe.»

«Nous condamnons fermement les actes de vandalisme et de violences observés à Marseille, qui sont inacceptables et ne résoudront en rien les problèmes de logement locaux», réagit auprès du Figaro une porte-parole d’Airbnb, qui précise qu’à Marseille, les locations de meublé de tourisme dédiées représentent 0,3% du parc de logement et que leur nombre est 28 fois inférieur aux logements vacants.

Particularité locale : les militants derrière ces actions ne sont pas clairement identifiés. «Il y a eu des actions contre les Airbnb plus dures que ce que Marseille vit en ce moment, comme en Aquitaine, rappelle Patrick Amico. Derrière, c’était Alternatiba, une organisation connue. Ici, on fait face à l’anonymat d’action coups de poing, dans le but de dresser les uns contre les autres.»