Europlasma va pouvoir reprendre Valdunes, dernier fabricant français de roues et d’essieux de trains. Le tribunal de commerce de Lille a validé ce mercredi 20 mars l’offre de reprise du groupe, avec le soutien de l’État, ont indiqué les syndicats et la direction de l’entreprise. «La proposition de reprise par Europlasma est acceptée avec une entrée en jouissance le 21 mars», a déclaré à l’AFP Guillaume Ferrand, représentant de la direction de Valdunes.

Lâchée par son propriétaire depuis 2014, le chinois MA Steel, la société nordiste avait été placée en redressement judiciaire en novembre dernier par le tribunal de commerce de Lille. Une seule offre de reprise avait finalement été envoyée à l’administrateur judiciaire. L’ukrainien Interpipe, le tchèque Bonatrans ou encore l’italien Lucchini, dont les noms avaient circulé, n’ont pas donné suite.

Europlasma, société girondine créée en 1992, est spécialisée dans le traitement et la valorisation des déchets dangereux. Côtée sur le marché Euronext, la société emploie 180 salariés et pilote 4 usines en France. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 7,1 millions d’euros de ventes au premier semestre 2023, mais a essuyé une perte nette de 2,5 millions. Europlasma avait d’abord fait une offre portant sur la seule forge de Leffrinckoucke, près de Dunkerque. Sous pression des pouvoirs publics, son offre finale intègre aussi l’atelier d’usinage et de traitement de Trith-Saint-Léger, à côté de Valenciennes.

«Il s’agit d’une étape importante. Mais l’offre comporte des conditions suspensives, notamment l’accompagnement par l’État, qui doivent encore être travaillées», expliquait Bercy début février. L’État milite depuis des mois pour une reprise à deux sites, afin de préserver toutes les compétences de Valdunes, maillon essentiel de la filière ferroviaire française. «Nous avons toujours dit que nous serions au rendez-vous, donc nous sommes prêts à accompagner la relance de Valdunes. Il faut encore affiner les modalités – aides publiques, prêts – dans les prochaines semaines», soulignait-on il y a quelques semaines au ministère de l’Économie. L’État compte aussi sur le soutien financier des collectivités locales, la région du Nord au premier chef, ainsi que sur la contribution des clients – RATP, SNCF et Alstom -, comme ils s’y étaient engagés en octobre dernier. Cela, sous forme de commandes nouvelles, voire d’une participation «symbolique» au capital.

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La société «promet 24 millions d’investissement sur trois ans et la reprise de 175 salariés», expliquait-on à Bercy. Ce qui signifie la suppression de plus de 40 % des emplois. Si cette offre va au bout, l’État s’engage à veiller à ce qu’un accompagnement exemplaire soit mis en place pour les salariés licenciés.

La capacité d’Europlasma à tenir ses engagements financiers, hors soutien public, interroge, alors que les besoins de Valdunes ont été chiffrés par le cabinet Grant Thornton à 65 millions sur trois ans. Cela afin d’atteindre un taux de production de 80.000 roues par an (pour une capacité de 100.000), contre 30.000 en 2023. Or, Europlasma vise «la fabrication de 25.000 roues en 2024» puis une hausse de production les années suivantes, afin de «recentrer Valdunes sur les marchés les plus rentables plutôt que sur les volumes», précisait Bercy. L’objectif est de «créer une filière de “roues vertes” en décarbonant la production de roues et d’essieux», ajoutait-on de même source. Europlasma envisagerait d’installer une activité de traitement des déchets industriels sur le site de Dunkerque.

Réunis le 1er février en assemblée générale, les salariés avaient pris acte de l’offre d’Europlasma, qui se diversifierait dans le ferroviaire, un métier qu’il ne connaît pas. «Nous sommes prudents. Europlasma, ce n’est pas la même échelle, ni le même métier. Nous réclamons un engagement de l’État et un suivi strict des investissements promis», avait réagi Philippe Verbeke, représentant CGT chez ArcelorMittal et coordinateur national de la filière sidérurgique à la CGT. Le syndicat avait appelé à une nouvelle table ronde pour «affermir le projet d’Europlasma afin de donner des garanties aux salariés».

«Nous avons aussi été alertés par la CGT des Forges de Tarbes où les engagements ne sont pas tenus», ajoutait Philippe Verbeke. Les salariés de la société étaient en grève, le 31 janvier, à l’appel du syndicat. Depuis juillet 2021, Europlasma est propriétaire de l’unique fabricant français de «corps creux», qui sont ensuite armés par le groupe de défense terrestre Nexter pour devenir les obus de 155 mm utilisés par les canons Caesar. La CGT des Forges de Tarbes affirmait que les investissements promis (15 millions) n’ont pas été réalisés, bien que l’État ait accordé 7,1 millions d’avances remboursables et que de nouvelles commandes (dans le cadre du soutien à l’Ukraine) aient été signées.

Autre inquiétude pour les salariés de Tarbes, le projet de reprise d’Adomos. Début décembre 2023, la société, spécialiste de l’investissement immobilier locatif en loi Pinel, en difficulté, est entrée en négociations exclusives avec Europlasma. Il est prévu que cette dernière apporte à Adomos 49 % des actions composant le capital social des Forges de Tarbes. Cet apport serait rémunéré par l’émission d’actions nouvelles Adomos permettant à Europlasma d’en prendre le contrôle… Une opération qui ne plaît guère aux salariés de Tarbes tout comme à ceux de Valdunes.