«J’espère que des petites filles, en nous voyant, se diront qu’elles aussi peuvent devenir joueuses professionnelles». Charlotte «Cosmic» Tranquillin foulera la scène de la Paris Games Week pour la finale de la première coupe féminine officielle de League of Legends (LoL). Le 31 octobre, avec son équipe la Team Go Aurora, elle affrontera une autre équipe entière féminine, la Team BDS.

Ce sera une première scène pour la plupart des joueuses. Si en théorie les compétitions d’e-sport peuvent être mixtes, en réalité elles témoignent d’une «immense représentation masculine», souligne Yoann Bouchard, directeur des tournois d’e-sport chez Webedia. Le groupe média coorganise cette coupe avec Riot Games, l’éditeur du jeu vidéo League of Legends. La finale est diffusée à 20h sur la chaîne Twitch d’OTP, la webTV la plus regardée de la plateforme.

À l’annonce de la Coupe des Étoiles en janvier dernier, comme d’autres structures dotées d’équipes masculines, la Team GO a décidé de former son effectif féminin. Pour une structure qui évolue en première division française, c’est un premier pas déterminant. Les joueuses sélectionnées, déjà haut classées, participaient à des tournois réguliers mais d’une importance médiatique moindre. « On sait qu’on a un bon niveau. Il fallait juste qu’on nous donne les moyens de réussir», confesse Cosmic, la joueuse de 22 ans. En France, 47 % des joueurs réguliers sont des femmes, mais seulement 6 % des participants aux compétitions e-sport sont des joueuses, rapporte le collectif Women In Games.

La Coupe des Étoiles a donc vocation à mettre «un coup de projecteur» sur ces joueuses « en leur proposant une professionnalisation nécessaire », martèle le porte-parole de Webedia. Ce genre d’initiatives pourrait, à terme, engendrer des compétitions effectivement mixtes.

« Les femmes sont souvent jugées sur leur genre avant leurs compétences et sont confrontées à des préjugés qui créent une atmosphère hostile pour elles », dénonce Julie Jeanniot, porte-parole de Riot Games. Elles subissent une double pression, « celle de performer en tant que joueuse, et celle de performer en tant que femme, au risque de recevoir des remarques sexistes.»

Les grosses structures françaises comme Solary, Vitality ou Team GO commencent à monter leurs propres équipes féminines. Et quand les grands donnent l’exemple, les autres suivent. Surtout à l’occasion de compétitions de cette ampleur. «Ça arrive un peu tard, mais ça n’est jamais trop tard» admet Cosmic. En 2022, elle et ses coéquipières ont participé à trois tournois, contre une dizaine cette année.

Au premier jour de diffusion de la coupe féminine, le pic d’audience sur Twitch a atteint 11 000 spectateurs en simultané. Concernant les audiences des phases finales de la Coupe des Étoiles, elles sont « comparables avec des audiences de Division 2 sur League of Legends », explique Webedia. Si la Coupe des Étoiles est la première compétition officiellement organisée par Riot Games, d’autres initiatives ont émergé par le passé et notamment La Ligue Féminine lancée en 2018 par la joueuse Sonia « NiwaaSan » Allam.

«Aucune de nous n’avait de modèle féminin dans le jeu vidéo. Quand on discute de nos inspirations, c’est toujours un joueur, parce qu’il n’y avait pas de joueuse top niveau», soupire Cosmic. « Des femmes compétitrices et de haut niveau, ça existe et c’est le message qu’on souhaite faire passer !» martèle Riot Games. «Notre objectif est que ces initiatives n’aient plus lieu d’être car l’écosystème sera devenu sain pour tout le monde ». Mais le chemin est encore semé d’embuches : la communauté des fans de League of Legends est connue pour être particulièrement toxique, notamment envers les femmes.

Seul couac : si les tribunes de la finale disposent de 1800 places, elles n’accueilleront pas le grand public. L’évènement a en effet lieu durant la soirée d’inauguration de la Paris Games Week, réservée aux professionnels. Pourtant, «plus le public est grand, plus on est contentes», se désole Cosmic. Riot Games et Webedia sautent dans le grand bain tout en restant frileux. «J’aurais quand même bien aimé voir ça en live» témoigne sur X un internaute qui se rendra sur le salon lors de son ouverture au public, à partir de mercredi.