C’est un discours à contre-courant, qui a suscité de vives réactions indignées. D’un ton décontracté, le millionnaire australien Tim Gurner n’y est pas allé de main morte pour expliquer sa vision du monde du travail. Invité ce mardi lors d’une conférence dédiée à l’immobilier et organisée par le principal journal économique du pays, le Financial review, l’homme d’affaires, promoteur immobilier spécialisé dans les logements luxueux a estimé que le rapport au travail avait évolué dans le mauvais sens depuis la crise du Covid-19.
Désormais, les travailleurs ne se sont plus impliqués comme avant dans leurs postes, a-t-il regretté. «Les gens ont décidé qu’ils ne voulaient plus vraiment travailler autant à cause du Covid et cela a eu d’énormes répercussions sur la productivité. Les métiers ont définitivement perdu en productivité», a-t-il expliqué.
Pire, selon lui, tous ces travailleurs «ont été grassement payés ces dernières années pour ne pas trop en faire». «Et cela doit changer», lance celui qui a construit des appartements de luxe un peu partout en Australie. La solution selon lui ? Augmenter «de 40 à 50% le taux de chômage», ne pas hésiter à parler de «souffrance» au travail et «rappeler aux gens qu’ils travaillent pour l’employeur, et non l’inverse». Lui regrette que la crise sanitaire ait changé la vision des salariés, face à leur travail : «Aujourd’hui, les employés estiment que l’employeur est extrêmement chanceux de les avoir, et plus l’inverse».
Sous-entendant que les salariés étaient ainsi devenus fainéants, il a appelé à «casser cette attitude». «Cela doit se faire en portant atteinte à l’économie, et c’est ce que tous les gouvernements du monde essaient de faire», a-t-il argumenté, évoquant les «licenciements massifs» qui produisent déjà l’effet escompté. «Personne n’en parle mais les gens sont en train de se faire virer et on commence à voir moins d’arrogance dans le monde du travail», s’est-il finalement félicité. Avant de lancer : «Il faut que cela continue, pour que cela se répercute sur la balance des coûts».
Ce discours s’inscrit dans un contexte où la demande de construction de logements explose en Australie. Le même jour, l’économiste en chef de la Commonwealth Bank (CBA) Stephen Halmarick a fait savoir qu’il y avait un déficit dans la construction de logements dans le pays. «Il faut construire environ 230.000 ou 240.000 logements par an, alors que nous en sommes à seulement 160.000», a-t-il déclaré. En outre, une augmentation de 50% du chômage «verrait le taux de chômage passer de 3,7% à 5,6%» et «le nombre de personnes sans emploi passer de 541.000 à 811.500» dans le pays, selon Stephen Halmarick, cité par le Financial review.
Encore accessible il y a quelques heures, le site internet de son entreprise n’était plus disponible en fin de journée. Mais sur les réseaux sociaux, l’extrait vidéo, largement partagé, n’a pas tardé à faire polémique, suscitant de vives réactions dans plusieurs pays. L’élue démocrate américaine Alexandria Ocasio-Cortez lui a par exemple adressé un petit «rappel» : «Souvenons-nous que les grands dirigeants ont tellement augmenté leur propre salaire que le ratio entre la rémunération des dirigeants et celle des travailleurs se situe désormais à l’un des niveaux les plus élevés jamais enregistrés», a-t-elle écrit sur X.
Même agacement du côté du député libéral, membre de la Chambre des représentants australienne, Keith Wolahan, qui a tout simplement affirmé que l’ambition de Tim Gurner de voir augmenter le taux de chômage «ne pouvait pas être plus déconnectée de la réalité». «La perte d’un emploi n’est pas un chiffre. Il y a des gens qui vivent à la rue et tout autant de dépendants des aides alimentaires», a-t-il regretté, donnant sa vision de l’économie australienne. «À l’heure actuelle, les familles cumulent plusieurs emplois simplement pour rester à flot», a-t-il estimé.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Tim Gurner, qui est à la tête du groupe éponyme Gurner Group, crée la polémique. En 2017 déjà, l’homme d’affaires avait défrayé la chronique, en critiquant les habitudes des «millenials» australiens, prêts à dépenser 19 dollars pour s’offrir un «avocado toast» ou encore 4 dollars pour un café, alors qu’ils pourraient plutôt économiser pour s’offrir une première maison.