Faut-il pardonner les méfaits de criminels ? Pour le producteur de rhum vénézuélien, Santa Teresa, la réponse est oui. Il y a vingt ans, un agent de sécurité de l’hacienda (exploitation agricole, ndlr) a été attaqué par un gang. Les 22 «criminels ont alors eu le choix de travailler pour l’entreprise ou d’être livrés à la police et d’être tués», raconte en exclusivité au Figaro Alberto Vollmer, PDG de Santa Teresa. S’ils ont choisi la première option, ils ont également permis la création du «projet Alcatraz», qui vise à réinsérer les malfrats dans la société.

Ce programme d’accompagnement, toujours en vigueur, repose sur cinq piliers, que sont le respect, la justice réparatrice, l’accompagnement psychologique, l’éducation au travail et les valeurs du rugby. En vingt ans, 250 hommes issus de onze gangs criminels ont ainsi été réhabilités et embauchés par Santa Alcatraz. Leurs profils sont divers, de tueurs à gages, à voleurs, en passant par des personnes qui ont enlevé des Vénézuéliens.

Plusieurs gangs adverses ont également dû apprendre à cohabiter, comme l’explique Alberto Vollmer : «La tension était palpable. Mais à l’occasion d’un tournoi de rugby, deux chefs se sont serré la main, dans le silence absolu. Les autres membres les ont suivis et se sont enlacés, en pleurs.» Parmi eux, certains sont même devenus des ambassadeurs de la marque, jusqu’à l’international. Santa Teresa s’est chargé de les préparer à l’art oratoire, à la mixologie ou encore de leur enseigner les langues étrangères. Un pari gagnant pour l’un des principaux producteurs de rhum au Venezuela, dont les produits s’exportent dans une trentaine de pays et jusque chez certains cavistes français.

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En plus de cette initiative, la marque a lancé il y a quelques années l’«Alcatraz rugby club». Chaque semaine, plus de 900 hommes et femmes s’entraînent ainsi sur les terrains. Leur particularité ? Ils sont tous prisonniers d’un des 36 centres pénitentiaires du pays, partenaires de la marque. Un programme de rugby scolaire a aussi été proposé dans onze écoles, dont bénéficient 2000 enfants. «L’idée est de les instruire dès le plus jeune âge afin qu’ils évitent d’être recrutés par des gangs», relève Alberto Vollmer. Santa Teresa investit également dans la rénovation des habitations autour de l’hacienda, dont 600 ont été «métamorphosées depuis 2012».

Grâce à l’ensemble de ces projets, le taux d’homicides a fortement diminué à Revenga, la municipalité où se trouve l’hacienda de Santa Teresa, au nord du Venezuela. Si on comptait 173 homicides pour 100.000 habitants en 2003, ils n’étaient plus que 12 en 2013 et 6 en 2023. Si elles sont encore trop peu nombreuses en Amérique du Sud, ces initiatives permettraient (en partie) de diminuer la criminalité qui ronge cette région depuis de nombreuses années.