«C’est aujourd’hui que se décident les vingt prochaines années de santé des Français», alerte Stéphane Attal, médecin généraliste depuis 1993 et membre de la confédération des syndicats médicaux français (CSFM). Il est venu manifester ce mardi à Paris pour témoigner «sa colère» face à la «décrépitude de la profession». Comme lui, quelques milliers de praticiens étaient au rendez-vous devant les Invalides. Ils étaient 10.000 selon les organisateurs, 4 500 d’après les chiffres de la préfecture.

Cette journée est particulièrement symbolique puisque c’est la première fois que les six syndicats, rejoints par l’Ordre national des médecins et Médecins pour demain, défilaient côte à côte, dans le calme. «Libéraux, hospitaliers, jeunes, vieux, patients… cette mobilisation réunit tout le monde», souligne Marie-Hélène, venue de l’Allier pour l’occasion. «C’est la première fois que je manifeste parce que je suis très inquiète pour la médecine de demain», ajoute-t-elle.

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Sur les pancartes brandies par les manifestants, nombreuses sont celles qui reprennent le nom de la députée Stéphanie Rist (Renaissance) : «Stop Rist, arrête le hors-piste» ou encore «À vos Rist et périls». En cause, l’un de ses projets de loi, voté en première lecture et étudié ce mardi après-midi au Sénat. Le texte vise à permettre un accès direct du patient à certains paramédicaux – infirmiers, kinésithérapeutes et orthophonistes -, sans passer par le médecin traitant. «J’aimerais qu’on m’explique comment les IPA – infirmiers en pratique avancée – vont suivre une pathologie chronique», s’interroge Stéphane Attal, «on doit rester les acteurs principaux de la santé des Français».

Une représentante du syndicat des Médecins généralistes de France pointe d’ailleurs le risque d’«une médecine à deux vitesses». «On veut une médecine avec un chef d’orchestre, et ce chef d’orchestre c’est nous», lance-t-elle dans son haut-parleur, suivis par les applaudissements de ses confrères et consœurs. De son côté, le ministre de la Santé, François Braun, affirmait ce mardi matin sur franceinfo que cette réforme visait «à donner plus de temps de soin» aux médecins. «Je comprends leur inquiétude, pas leur hostilité», a-t-il complété. Ce projet de loi est également soutenu par les infirmiers, dont cinquante syndicats et associations ont dénoncé ce mardi «une opposition systématique des médecins à toute évolution des (autres) professions de santé».

Si cette réforme représente le principal motif de mécontentement des médecins, ils revendiquent également une revalorisation du prix de la consultation. En France, elle s’élève aujourd’hui à 25 euros, l’un des tarifs les plus bas d’Europe, en moyenne à 46 euros. Alors que les négociations sont toujours en cours, l’Assurance-maladie a proposé une hausse d’1,50 euro, «insuffisante» pour les médecins généralistes. «Le prix de 25 euros n’a pas évolué depuis 2016, sauf que nos loyers et nos charges ont considérablement augmenté», relève Nathalie, qui exerce son métier depuis une dizaine d’années.

Aux côtés de Nathalie, son fils Max, «découragé» par la profession, et son mari, Bertrand, médecin depuis plus de 40 ans, sont aussi venus manifester : «Si le prix des consultations n’est pas suffisamment réhaussé, les médecins menacent de se déconventionner. Chacun fixerait alors ses honoraires, les prix pourraient ainsi exploser et les Français ne seraient pas remboursés.» Pour assurer leurs frais professionnels, le couple recommande un prix plancher de 30 euros, un tarif que François Braun a lui même jugé «pas absurde». «Nous ne demandons pas de l’argent pour se le mettre dans la poche», indique un représentant des Jeunes médecins, «nous demandons des moyens pour prendre en charge la population».

Les syndicats seront reçus jeudi par Thomas Fatôme, le directeur de l’Assurance-maladie. Ce mardi, sur France Inter, il s’est dit prêt «à aller plus loin dans ces revalorisations, mais dans une logique de donnant-donnant». Des contreparties sont donc attendues, afin que les médecins s’engagent «à prendre davantage de patients, faire des gardes et assurer des soins non programmés», a-t-il précisé. Les médecins attendent désormais ses conclusions et celles du gouvernement mais ils n’hésiteront pas à «aller de plus en plus fort» s’ils ne sont pas entendus, assure la CSFM.