Les Britanniques commenceraient-ils à entrevoir le bout du tunnel ? Après une augmentation de 22 % du coût de la vie depuis le printemps 2021, le Royaume-Uni semble renouer avec un rythme d’augmentation des prix moins frénétique et plus proche de celui constaté dans d’autres pays du G7 comme la France et les États-Unis.
Les chiffres officiels publiés outre-Manche mardi montrent en effet que l’inflation n’a progressé que de 2,3 % en avril sur un an, contre 3,2 % au mois de mars. Le coût de la vie est toujours à la hausse, certes, mais dans une bien moindre mesure qu’à l’automne 2022 en particulier, où les prix à la consommation avaient bondi de 11,1 %.
C’est une bonne nouvelle pour les consommateurs, ainsi que pour le gouvernement conservateur en difficulté dans les sondages. Le premier ministre Rishi Sunak a salué « un moment important pour l’économie ». Et profitant de cette embellie, il a annoncé quelques heures plus tard la convocation des élections générales anticipées pour le 4 juillet. « L’inflation est revenue à son niveau normal. Cela montre que notre action porte ses fruits », a-t-il alors ajouté.
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Le ralentissement de l’augmentation des prix constaté le mois dernier s’explique en grande partie par la chute des prix de l’énergie et des carburants – une baisse record de 27,1 %. Quant aux prix de l’alimentation, ils continuent d’augmenter mais moins vite ( 2,9 % contre 4 % un an plus tôt).
Cependant, tous les signaux de l’inflation ne sont pas passés au vert au Royaume-Uni. Du fait du maintien de taux d’intérêt élevés, les coûts du logement ne se tassent pas, bien au contraire : les propriétaires ont dû encaisser une augmentation de 6,6 % des dépenses liées à l’immobilier tandis que les loyers ont bondi de 8,9 % sur un an. De même, les prix de la restauration ont progressé de 6 %, à cause notamment de l’augmentation du smic horaire entrée en vigueur le mois dernier.
Par conséquent, l’inflation enregistrée en avril est supérieure au niveau anticipé par les économistes – qui tablaient sur 2,1 % – et surtout supérieure à l’objectif des 2 % que s’est fixé la Banque d’Angleterre. Concrètement, si l’inflation ne baisse pas, le comité monétaire de la Banque d’Angleterre risque de maintenir le taux d’intérêt directeur à 5,25 % au cours des prochains mois. « Nous pensons que le taux directeur devrait être revu à la baisse en juin. (…) Cependant, étant donné les chiffres de l’inflation publiés aujourd’hui, cette décision s’annonce très délicate », analyse Chris Hare, économiste chez HSBC Global Research.
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Paul Dales, économiste en chef chez Capital Economics, se montre encore plus prudent notamment du fait du niveau d’inflation dans le secteur des services. « Même s’il faut encore attendre la publication de chiffres concernant le niveau des salaires et les prix à la consommation d’ici au prochain comité monétaire du 20 juin, une baisse du taux d’intérêt directeur semble peu probable, y compris au mois d’août », estime-t-il.
La Banque d’Angleterre a laissé son taux d’intérêt directeur inchangé à 5,25 % depuis août 2023 après l’avoir revu régulièrement augmenté au cours des dix-huit mois qui avaient précédé afin de tenter d’endiguer l’inflation. Si l’institution baissait son taux directeur lors de sa réunion de juin, avant les élections, la décision serait applaudie par le Parti conservateur, qui se positionne comme le parti des propriétaires. Mercredi, l’ancien ministre et actuel député Paul Scully a d’ailleurs appelé l’institution à baisser son taux d’intérêt « pour soulager les propriétaires de logement qui doivent renégocier leur emprunt pour plusieurs années ». Cependant, le gouvernement n’est pas en mesure de peser sur cette décision car la Banque d’Angleterre est indépendante. Et rien n’indique qu’une baisse du taux d’intérêt directeur aurait le moindre effet électoral escompté par les tories au pouvoir depuis 2010.
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Le bilan économique du gouvernement Sunak n’est guère reluisant. Des chiffres publiés mercredi indiquent que le niveau d’endettement du Royaume-Uni a augmenté de 2,3 % en un an et atteint un niveau jamais vu depuis les années 1960 (il frôle 100 % du PIB). Quant au pouvoir d’achat des Britanniques, il a reculé de 2,3 % depuis le printemps 2021 malgré une hausse des salaires ( 5,7 % au premier trimestre).
Sur les bancs de l’opposition travailliste, le député Darren Jones, ministre du Trésor dans le cabinet fantôme de Keir Starmer, avant même l’annonce de la convocation des élections, a fait remarquer que le Royaume-Uni « n’est pas encore tiré d’affaire » car il reste très vulnérable aux variations des prix de l’énergie sur le marché international.