C’est un coup dur pour Philips. Les États-Unis viennent de fermer la porte à Respironics, sa filiale d’appareils respiratoires utilisés par des patients souffrant d’apnée du sommeil et dont certains se sont révélés défectueux. Dans le cadre d’un accord signé avec le géant néerlandais, les autorités américaines ont ainsi interdit la vente de nouvelles machines potentiellement dangereuses. «Tant que les exigences du décret d’autorisation ne seront pas remplies, Philips Respironics ne vendra pas de nouveaux (…) appareils de thérapie du sommeil ou autres appareils de soins respiratoires aux États-Unis», a précisé Philips lundi.
Le scandale des respirateurs de Philips a débuté en juin 2021. À l’époque, l’agence américaine des médicaments (FDA) a alerté l’ancien géant de l’électronique reconverti dans le matériel médical sur les risques potentiels pour la santé posés par certains de ses appareils respiratoires et ventilateurs. En cause, la mousse insonorisante (en polyuréthane) présente dans ces respirateurs qui se désagrège avec le temps et que les utilisateurs peuvent inhaler ou ingérer. Le groupe a alors indiqué que cela pouvait provoquer irritations et maux de tête, voire un risque «potentiel» de cancers à long terme.
Mais, en mai dernier, Philips a fait volte-face, affirmant qu’il était «peu probable» que ses appareils portent préjudice aux patients. Toutefois, en octobre, les autorités sanitaires américaines ont demandé des tests supplémentaires. D’autant que, selon l’agence Bloomberg, des officiels de la FDA auraient indiqué avoir reçu 385 rapports de décès pouvant potentiellement être liés aux appareils défectueux.
En un peu plus de deux ans, Philips a rappelé 5,5 millions de ces appareils sur un total de 15 millions, dont 350.000 en France et 1,5 million dans toute l’Europe. Mais, les autorités américaines et européennes estiment que ces rappels ne sont pas suffisamment rapides. «Résoudre les conséquences du rappel de Respironics pour nos patients et clients est une priorité, et je m’excuse pour la détresse et l’inquiétude causées», a indiqué lundi Roy Jakobs, PDG de Philips depuis octobre 2022.
Dans le cadre de l’accord passé avec les autorités américaines, Philips a mis de côté 363 millions d’euros au quatrième trimestre. Et le groupe a prévenu que de nouvelles provisions pour faire face aux réparations et rappels sont attendues cette année. «Nous nous engageons pleinement à respecter le décret de consentement, ce qui constitue une étape importante et ouvre une voie claire à suivre», assure Roy Jakobs. Mais, pour les analystes de Jefferies, «cela prendra sûrement des années avant que Philips puisse revendre des machines contre l’apnée du sommeil aux États-Unis».
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La note liée au scandale des respirateurs s’annonce très salée pour le géant des appareils médicaux: Philips a déjà passé pour 1 milliard d’euros de provisions, et, en septembre, il a accepté de régler un litige d’au moins 479 millions de dollars, souligne Bloomberg. Le groupe pourrait, en outre, faire l’objet d’actions de groupe aux États-Unis ou être attaqué en justice par des milliers d’utilisateurs. Il fait aussi l’objet d’une enquête par la justice américaine. Et le pôle de santé publique du parquet de Paris s’est saisi de ce scandale sanitaire fin 2022: une enquête préliminaire avait été ouverte quelques mois plus tôt pour «mise en danger de la vie d’autrui», «tromperie aggravée et administration de substances nuisibles», à la suite de plaintes déposées par des patients. «Philips pourrait payer entre 2 et 4,5 milliards de dollars pour régler les réclamations pour dommages corporels liés aux appareils défectueux», avancent les analystes de Bloomberg.
Des problèmes avec d’autres respirateurs pourraient également apparaître. En novembre, la FDA a conseillé aux patients utilisant la machine DreamStation 2 de Philips (parfois envoyée en remplacement des appareils défectueux) de surveiller attentivement l’appareil «pour détecter tout signe de surchauffe».
Les rappels de millions de respirateurs ont déstabilisé le groupe plus que centenaire qui a radicalement changé de visage ces dix dernières années. En 2022, le fabricant de dispositifs médicaux a enregistré une perte nette de 1,6 milliard d’euros et annoncé la suppression de 10.000 postes dans le monde. L’an dernier, il restait dans le rouge avec une perte nette ramenée à 463 millions d’euros. «Même s’il reste encore du travail à faire, les progrès que nous avons réalisés dans un monde instable constituent une base solide pour une performance durable», a indiqué lundi Roy Jakobs. Mais, les investisseurs ont surtout retenu les incertitudes entourant le géant néerlandais: à la Bourse d’Amsterdam, l’action a perdu lundi 4,4 %. Depuis juin 2021, sa capitalisation boursière a été divisée par deux.