La loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs a véritablement bouleversé l’écosystème français. Plus de huit mois après sa promulgation, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a choisi de dresser un premier bilan de sa mise en œuvre pratique. «C’est grâce aux utilisateurs français attentifs face aux dérives et aux services de Bercy que la loi sera bien respectée», a estimé ce mercredi le député (Renaissance) Stéphane Vojetta. «Peu importent leurs revenus et où qu’ils soient, les influenceurs doivent respecter la loi dès lors qu’ils s’adressent à une audience française», a-t-il ajouté.

Première conséquence de la loi, la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) s’est laissée aller à plus de contrôles : 212 influenceurs ont été inspectés par le bras armé du ministère de l’Économie en 2023, contre 94 un an plus tôt. Parmi eux, 96% étaient en situation d’anomalie.

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«Le grand public peut avoir l’impression que les influenceurs ne sont pas encore condamnés, mais en réalité cela prend du temps une fois une enquête lancée par la DGCCRF avant d’éventuelles poursuites», a affirmé le député (PS) Arthur Delaporte, co-rapporteur du texte. Trente-neuf personnes de la DGCCRF sont mobilisées sur ces sujets. Les enquêtes ouvertes excluent les dérives des influenceurs liées au volet fiscal. «Les services de la direction générale des Finances publiques (Dgfip) n’étaient pas en mesure de nous fournir des chiffres détaillés sur ce volet fiscal», précise-t-il.

De leur côté, les citoyens français ont également augmenté leurs signalements vis-à-vis des pratiques trompeuses sur la plateforme SignalConso. La nouvelle loi qui encadre les pratiques des influenceurs dans le pays a sonné la fin de l’âge d’or d’un système de placement de produits bien rodé, dont les failles financières et les vices auront mis quelques années à être révélés au grand jour.

Elle a largement participé à assainir le marché. «47% des influenceurs estiment que l’obligation de transparence sur l’intention commerciale a eu un effet sur leur activité, avec une explosion de l’usage de la mention ‘collaboration commerciale’ dans leur publication», ajoute la députée Louise Morel (MoDem). La plupart des grands annonceurs exigent désormais que les influenceurs avec qui ils collaborent aient passé le certificat de l’influence responsable de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Malgré un premier bilan plutôt positif, la Commission relève quelques points d’amélioration, qui pourraient être clarifiés par ordonnance. Ces derniers mois par exemple, elle a observé une partie des pratiques trompeuses se déporter vers des messageries privées comme Telegram. «Nous réfléchissons à ce que les contenus qui sont présents sur des chaînes ouvertes puissent entrer sous la loi», explique Stéphane Vojetta.

Autre dérive constatée, les «live matchs» sur TikTok : les créateurs de contenus peuvent recevoir sur l’application chinoise des « cadeaux virtuels », prenant la forme de roses, de donuts, de ballons de rugby, de lions ou encore d’univers, qui animent visuellement l’écran lors d’un direct. Il est ensuite possible de les échanger contre de l’argent réel, allant de 1 centime pièce à 800 euros, selon les symboles… «Ces matchs, souvent visionnés par des mineurs, pourraient être caractérisés comme s’inscrivant dans une logique commerciale, ce qui les inclurait alors dans le cadre de la loi influenceurs», a précisé Arthur Delaporte, qui note que ces dérives peuvent parfois donner lieu à du blanchiment d’argent

Enfin, quelques modifications devraient être apportées dans les prochains mois pour répondre aux demandes des régulateurs européens. «La loi influenceur n’est pas en danger, elle doit être modifiée à la marge afin d’être en conformité avec les directrices européennes e-commerce et la règle du pays d’origine», glisse Arthur Delaporte. Les articles de la loi qui font, par ailleurs, doublon avec le Digital Services Act (DSA) seront également retirés du texte.

L’initiative française a d’ailleurs inspiré au fil des mois plusieurs pays voisins. L’Italie et l’Espagne travaillent par exemple sur des textes de loi pour réguler le milieu de l’influence commercial. Un texte à l’échelle de l’Union européenne est même envisagé par la présidence belge du Conseil.