Après la chute de la Silicon Valley Bank, les craintes autour de la solidité du système bancaire se sont multipliées ces derniers jours. Et avec en ligne de mire le fameux risque de «bank run». Ce terme, traduit en bon français par «panique bancaire», consiste à qualifier l’affolement des clients – ménages comme entreprises – qui soudainement retirent leur argent de leurs comptes. Seul problème, et pas des moindres, malgré les sommes phénoménales d’argent qu’elles gèrent, les banques ne peuvent pas assurer la sortie simultanée de tous les dépôts de leurs clients et ce car elles ne disposent pas des liquidités nécessaires.

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«Les agents estiment que leur banque est en danger et ils ont peur de perdre leur épargne. C’est une crise de confiance», explique Christian de Boissieu, président du cercle des économistes. Par effet boule de neige, cette situation peut amener à l’insolvabilité et même à la faillite.

Dans le cas de Silicon Valley Bank, c’est la remontée des taux qui a mis le feu aux poudres. Du fait des revirements des banques centrales, les nombreuses obligations américaines d’état détenues par l’établissement bancaire ont vu leur valeur dégringoler. Face à un risque de fragilité, et sur les conseils d’investisseurs bien informés, de nombreuses start-up clientes de l’établissement ont commencé à retirer leurs dépôts. «SVB était dans un cercle vicieux, la banque a dû liquider une partie de son portefeuille pour faire face aux dépôts», précise l’économiste et professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Mais ce à un montant inférieur au prix d’achat initial. L’établissement a alors essuyé d’importantes pertes et les clients ont continué de retirer leur argent. SVB n’a «donc pas pu faire face au retrait de dépôts», souligne-t-il.

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En quelque sorte, la panique bancaire s’apparente à une prophétie auto-réalisatrice. «Le fait d’anticiper la crise d’une banque, provoque la crise de cette banque par les retraits», décrit Christian de Boissieu. À une échelle plus large, avec le risque de contagion, «on peut avoir une crise systémique», notamment si la banque est dite «too big to fail », c’est-à-dire trop grosse pour faire faillite. Dans le cas de Crédit Suisse, qui a subi mercredi une forte chute en Bourse, elle «est trop importante pour connaître une vraie défaillance» confie le professeur.

«Le phénomène de bank run est vieux comme le monde» s’exclame Christian de Boissieu. De nombreux épisodes ont eu lieu au cours de l’histoire : en 1907, lors de la «panique des banquiers» aux États-Unis ou encore en 1998 lors de la crise économique en Argentine. En 2008, l’institution britannique de crédit hypothécaire Nothern Rock, a connu également une brève ruée bancaire, qui a pris fin par un apport de liquidité et de garantie de la banque d’Angleterre.

Sauf qu’aujourd’hui, les déposants ne font plus la queue devant les distributeurs pour récupérer leur argent. «Avec internet, en un clic les clients peuvent venir retirer leur épargne d’une banque ou en changer», explique Christian de Boissieu. Constat partagé par l’économiste Joseph Stiglitz : «C’est beaucoup plus facile de retirer tout son argent et de le placer ailleurs». Le prix Nobel estime même que «les nouvelles technologies favorisent les bank run» et pense que «la stabilité du système financier doit être repensée» à l’aune de ces changements.

Pour un «bank run», «il ne faut pas grand-chose, une simple déclaration maladroite peut suffire…» souligne Christian de Boissieu. «Il peut y avoir un phénomène de ‘bank run’ dès qu’il y a une crise de confiance. Mais ça n’ira pas très loin», rassure toutefois l’économiste.

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Au niveau des normes, le Vieux continent applique les règles de Bales III pour sécuriser et superviser le système bancaire face à de tels risques. L’accord international conclu en 2010 demande aux banques de respecter des ratios de liquidité. Contrairement aux États-Unis, cette réglementation européenne s’applique à toutes les banques, «quelle que soit leur taille», précise le président du cercle des économistes. De quoi écarter davantage d’éventuels dangers.

Par ailleurs, tout comme aux États-Unis, un deuxième instrument existe : le système de garantie des dépôts. En cas de défaillance d’une banque, un client est couvert à hauteur de 100.000 euros (contre 250.000 euros outre-Atlantique). Dans le cas de SVB, «les autorités ont dit ne pas tenir compte du plafond, ce qui a calmé le jeu», précise Christian de Boissieu, avant de conclure : «Dans l’hypothèse d’une crise de confiance vis-à-vis d’une banque, elles ont de quoi y faire face». De quoi rassurer les déposants.