Mauvaise nouvelle en perspective, fêter Pâques coûtera plus cher cette année. En cause, notamment, la flambée des cours du cacao, matière première indispensable, intervenue ces derniers mois. En février, la tonne de fèves de cacao s’écoulait aux alentours de 6000 dollars (environ 5500 euros), soit une augmentation de 150% comparée à janvier 2023. En mars, la machine s’est emballée, le prix de la tonne ayant franchi le cap des 10.000 dollars (environ 9200 euros) à New York ce mardi avant de légèrement redescendre. Cette flambée a des répercussions immédiates sur les étiquettes en magasin. Et ce, alors que 98,5% des foyers consomment du chocolat, à hauteur de 7,3 kilos par an en moyenne par Français, selon les chiffres du Syndicat du chocolat.
Pour comprendre cette envolée, il faut se tourner vers le continent africain. La Côte d’Ivoire et le Ghana sont de loin les deux principaux producteurs mondiaux de fèves de cacao, représentant 60% de la production totale l’an passé selon l’Organisation internationale du cacao. Mais ces derniers mois, ces deux pays d’Afrique de l’Ouest ont connu de mauvaises récoltes en raison de fortes pluies et d’une maladie des cabosses, suivies d’un épisode de sécheresse. Conséquence, la production de cacao y a chuté de 8%.
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Les cacaoyers ne poussant que dans des zones équatoriales où la température avoisine les 20°C, les zones de culture sont restreintes et se concentrent en Afrique de l’Ouest. Or, le dérèglement climatique affecte aujourd’hui grandement cette région du monde. Depuis le mois de février, ces pays traversent un long épisode de sécheresse, avec des températures atteignant les 40°C, du jamais vu pour cette période de l’année. À cette sécheresse intense s’est ajouté le facteur El Niño, une fluctuation climatique naturelle récurrente dans les zones tropicales. Si ce phénomène représente déjà un obstacle pour de nombreux agriculteurs, son exacerbation par le changement climatique n’a pas arrangé les choses, note John Plassard, analyste chez Mirabaud : «Ça a endommagé les cultures et favorisé la propagation de la maladie des cabosses noires.»
Mais cette extrême chaleur n’est pas la seule responsable de la hausse du cours du cacao. En effet, une intense saison des pluies s’est brièvement substituée à la sécheresse en décembre 2023 dans certains pays d’Afrique de l’Ouest. Les précipitations record ont fait apparaître une infection fongique, qui a fait pourrir les fèves de cacao sur les arbres. Appelée «swollen shoot», ou virus de l’œdème des pousses du cacaoyer, cette maladie diminue la production. Enfin, la hausse des coûts des pesticides et des engrais a imposé des contraintes financières aux agriculteurs africains. Dès lors, c’est toute la chaîne d’approvisionnement qui a été mise à rude épreuve.
Les déboires qui affectent la fève de cacao ne sont pas les seuls responsables de cette augmentation générale du prix du chocolat. En effet, l’inflation touche les autres ingrédients des lapins et autres tablettes, tels que le lait ou le sucre. Ce dernier «a vu son prix doubler entre 2020 et 2023 sur les marchés boursiers, à un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 20 ans», bien qu’il «reflue depuis décembre dernier», note l’UFC-Que choisir. En cause, là aussi, des conditions météo difficiles au Brésil et en Inde, les deux premiers producteurs mondiaux. À cela s’ajoutent l’emballage, les transports, les salaires, qui sont autant de coûts fixes qui élèvent les prix pour le consommateur au final.
En conséquence, les chocolatiers, pour qui Pâques représente près de 10% des ventes annuelles, doivent répercuter la hausse de leurs coûts de production s’ils veulent éviter de rogner sur leurs marges. La célèbre marque suisse Lindt
Le week-end pascal reste néanmoins une valeur sûre pour les chocolatiers. D’après le Syndicat du chocolat, les Français ont «un budget moyen de 22,60 euros par foyer». Et l’attrait pour Pâques ne faiblit pas. L’année dernière, les ventes à l’occasion de cette fête étaient supérieures à celles enregistrées en 2022, «en hausse de 4,6% en volume». Plus globalement, «le marché du chocolat est resté stable» l’an dernier, constate le syndicat. Avec près de 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le secteur continue de rapporter aux grandes et moyennes surfaces ainsi qu’aux industriels. Les tablettes et les pâtes à tartiner sont par ailleurs les produits les plus porteurs.
Les professionnels s’efforcent de maintenir des prix accessibles au plus grand nombre, affirme Gilles Rouvière, secrétaire général du Syndicat du chocolat. Globalement, les prix des chocolats en supermarché ont progressé en 2023 de 11,3% sur l’ensemble de la catégorie, «en deçà de l’inflation annuelle des produits de grande consommation qui est de 12,8% sur la même période». Malgré cela, contexte oblige, de nombreux consommateurs n’hésitent pas à se tourner vers des produits chocolatés plus bas de gamme ou acheter en moins grandes quantités.
Les industriels pourraient eux être tentés par la «shrinkflation» – comprenez la réduction de la taille des produits chocolatés -, remarque Ole Hansen, responsable des matières premières de Saxo Bank. Si «l’explosion du cours du cacao est une réalité, l’augmentation des prix des chocolats de Pâques est maîtrisée», note de son côté Gilles Rouvière. De fait, l’évolution récente du cours du cacao et les pics qu’il a atteints impacteront plutôt les ventes de Noël 2024 et de Pâques 2025, puisque les distributeurs s’approvisionnent plusieurs mois en amont. «Cette fois, on a anticipé la campagne des chocolats de Pâques, ce qui a permis de limites les hausses, qui sont inférieures à 10%», a ainsi déclaré ce mercredi matin le PDG de Système U, Dominique Schelcher, sur BFMTV/RMC.