C’est fait : ce jeudi, les députés ont adopté à l’unanimité en première lecture une proposition de loi déposée par les élus écologistes, visant à «protéger la population des risques» liés à certaines substances. Surnommées «polluants éternels», celles-ci «sont extrêmement persistantes dans l’environnement» et «présentent des risques graves pour la santé humaine», selon l’exposé des motifs du texte.
Concrètement, ces substances per- et polyfluoroalkylées, ou Pfas selon l’acronyme anglo-saxon (prononcez «Pifasse»), ont récemment fait irruption dans le vocabulaire des Français. Dans le viseur des députés, ces produits sont, en réalité, déjà omniprésents dans notre quotidien. «Emballages alimentaires, poêles anti‑adhésives, textiles, cosmétiques mais aussi mousses anti‑incendie, batteries, peintures, pesticides : tous ces produits peuvent contenir des PFAS, utilisés notamment pour leur imperméabilité, leur résistance à la chaleur ou à la lumière, leurs propriétés antiadhésives ou anti‑tâches», résume le texte des écologistes.
L’exemple le plus souvent cité est celui des poêles antiadhésives. Pour éviter que les aliments ne collent, les fabricants utilisent des revêtements en téflon, ou, de son nom scientifique, PTFE (polymère du tétrafluoroéthylène), considéré comme un Pfas. Le groupe Seb a notamment adopté cette substance pour 90% de ses poêles. «Ces produits chimiques sont couramment utilisés dans les emballages alimentaires pour leur offrir une résistance à l’eau et aux graisses qui permet d’emporter facilement la nourriture», note par ailleurs l’association de consommateur UFC-Que Choisir. En France, selon une étude publiée courant 2023 par deux chercheurs en chimie, ils sont omniprésents dans les emballages de restauration rapide comme les cornets de frites ou les boîtes de burgers. La proposition de loi des députés ne touchera pas, cependant, aux ustensiles de cuisine, après une forte mobilisation des professionnels du secteur.
Les Pfas sont aussi présents dans nos vêtements. Dans un article publié en 2019, une équipe de l’université de Stockholm (Suède) note l’utilisation dans un grand nombre de textiles. «L’utilisation des PFAS est assez diversifiée, note Jean-Louis Blanc, secrétaire général adjoint de l’Adeic, une association de consommateurs. On les retrouve notamment dans tout ce qui est imperméabilisant.»
«Dans certains cas, l’utilisation de solutions déperlantes sur les textiles peut être considérée comme du confort mais n’est pas essentielle», note les auteurs de l’étude en prenant comme exemple les shorts de surf déperlants. Par ailleurs, les chercheurs jugent «essentielle» l’utilisation des Pfas pour la confection de vêtements professionnels. Les vertus imperméabilisantes mais aussi de résistance à la chaleur les rendent notamment indispensable dans la composition des tenues de bloc opératoire ou de pompiers. L’article recense également leur présence dans 30% des médicaments nouvellement approuvés aux États-Unis.
Ces substances entrent aussi dans la composition de nombreux cosmétiques. Dans un rapport publié fin février, l’OCDE dresse une liste de toutes les utilisations de Pfas dans nos produits d’hygiène du quotidien. Du dentifrice au shampoing ou autre démaquillant et lotions pour le corps, toutes les catégories sont citées. «La présence de Pfas peut être le résultat soit de l’ajout intentionnel de ces substances en tant que produit chimique (…) ou peut également être présente “involontairement”, par exemple sous forme de produit de dégradation ou d’impureté», note l’organisation internationale. On retrouve également des traces de Pfas dans les peintures, les automobiles, le fart des skis ou les pesticides.
S’ils sont aussi présents, c’est qu’il est parfois difficile de les remplacer. «Il y a des applications dont on peut se passer, d’autres pour lesquelles existent des alternatives, pour le secteur des médicaments c’est très compliqué», détaille à l’AFP Mehran Mostafavi, directeur adjoint scientifique du CNRS Chimie. Pour d’autres produits, les substituts sont parfois aussi dangereux. Sur les 58 alternatives possibles aux Pfas pour emballage alimentaire répertoriées par l’OCDE, seules 10 ont été jugées acceptables. Jean-Louis Blanc, de l’Adeic, milite pour ces alternatives et considère qu’en attendant, «le principe de précaution ne s’applique pas suffisamment».
Parmi les industries concernées par les Pfas, certains se sont déjà détournés de ces substances. La fédération internationale de ski a interdit le fart au fluor au début de la saison 2023-2024. Pour les produits de beauté, l’association des industriels du secteur Cosmetics Europe s’est engagée en octobre 2023 à les remplacer d’ici 2026.