Un retour de bâton. Après une parenthèse liée au Covid, le nombre de chefs d’entreprise tombés au chômage a atteint un plus haut en 2023. Selon les chiffres rendus publics ce lundi par le cabinet Altares et l’association GSC, ce sont 51.555 patrons qui ont perdu leur emploi l’an dernier après la mise en liquidation judiciaire de leur entreprise. Un bond de 33,3% en un an ( 12.800 personnes), mais surtout du jamais vu depuis 2016, période marquée par un contexte économique et financier difficile. En 2023, ce sont chaque jour plus de 140 chefs d’entreprise qui se sont retrouvés au chômage.

Pour Anthony Streicher, président de l’association GSC, spécialisée dans la protection contre le chômage des indépendants, ces chiffres sont «très alarmants» mais «peu surprenants». «Hausse des taux d’intérêt, surendettement des entreprises, fin des aides Covid et du moratoire de l’Urssaf… De nombreux indicateurs laissaient craindre une accélération des liquidations judiciaires en France avec des pertes d’emploi importantes à la clé», estime-t-il, cité dans un communiqué.

Frédéric Barth, directeur général d’Altares, confirme : cette explosion du chômage des patrons n’est que la conséquence de la brutale augmentation des défaillances d’entreprises en 2023 ( 36%), «une tendance lourde mais pas surprenante après la parenthèse Covid». «En 2023, le ralentissement de l’économie s’est confirmé en France comme en Europe fragilisant davantage des entreprises parfois en peine à rembourser une dette devenue trop lourde», explique-t-il, un phénomène touchant particulièrement «les très petites entreprises».

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En 2023, «plus de neuf entrepreneurs sur dix ayant perdu leur emploi dirigeaient une structure de moins de 5 salariés», souvent familiale, note le rapport publié ce lundi. Du point de vue financier, près de huit patrons sur dix tombés au chômage l’année dernière étaient à la tête d’une entreprise de moins de 500.000 euros de chiffre d’affaires, «confirmant la plus grande vulnérabilité des petites structures», indiquent Altares et l’association GSC. Plus inquiétant, les sociétés établies depuis longtemps ne sont pas à l’abri : l’âge moyen des structures dont les dirigeants ont perdu leur activité en 2023 atteint neuf ans. Quant aux patrons, un tiers de ceux touchés l’an dernier ont dépassé les 51 ans.

Principaux perdants de cette conjoncture économique très délicate, les secteurs de la construction et de la restauration : ceux-ci concentrent près du tiers des pertes d’emploi de chefs d’entreprise en 2023. Dans la construction, qui réunit aussi les métiers du bâtiment et de l’immobilier, domaines plombés par la hausse des taux d’intérêt, le nombre de dirigeants tombés au chômage s’est envolé de 40,2%. Les plus grosses victimes étant les patrons d’agences immobilières ( 103,4%).

La hausse s’est élevée à 42,7% dans le secteur de l’hébergement, restauration et débit de boissons, la restauration concentrant plus des trois quarts des chefs d’entreprise impactés. En raison de l’inflation et des changements de consommation des ménages, «les activités en lien avec le textile et l’habillement sont durement touchées», note également l’étude, avec une hausse de 52,4% des dirigeants ayant perdu leur emploi dans le commerce de détail et de 68,3% dans le commerce de gros. En revanche, le milieu agricole, pourtant très vocal sur ses difficultés ces derniers mois, paraît préservé, puisqu’il présente l’augmentation la plus faible de l’ensemble des secteurs d’activité ( 10,3%).

Après cet annus horribilis, comment s’annonce l’année 2024 ? «Certains secteurs comme le bâtiment devraient voir leur activité repartir mais l’année 2024 s’annonce tout aussi délicate et doit nous amener à nous interroger sur le devenir de ces hommes et ces femmes», réclame Anthony Streicher. «La croissance est attendue faible pour 2024 et les défauts d’entreprises plus nombreux qu’en 2023», confirme Frédéric Barth. Toutefois, il y a «des raisons d’espérer» un léger mieux, affirme au Parisien Thierry Millon, directeur des études d’Altares, citant «le ralentissement de l’inflation , peut-être la baisse des taux d’intérêt, une reprise de la consommation en milieu d’année et les Jeux olympiques».