La mobilisation ne faiblit pas au Lardin-Saint-Lazare, cette petite commune périgourdine où le papetier Lecta entend supprimer 187 sur 432 postes dans son usine en fermant une ligne de production sur deux. Redoutant que le plan social préfigure la fermeture de ce site centenaire, qui est, en incluant ses sous-traitants, le premier employeur privé de Dordogne, les élus locaux exhortent l’Etat à agir. «Le président de la République affirme vouloir réindustrialiser. Mais il faut déjà que les sites existants ne ferment pas. Puisque la situation ne bouge pas depuis plusieurs semaines, nous demandons à l’Etat une nationalisation temporaire des Papeteries de Condat pour qu’un repreneur puisse être trouvé pour ce site qui a de l’avenir», affirment Francine Bourra, maire du Lardin-Saint-Lazare (Dordogne), et Dominique Bousquet, président de la communauté de communes du Terrassonnais Haut Périgord noir.
Cette piste avait déjà été évoquée par Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, estimant, début septembre auprès du Figaro, «que ce site mériterait peut-être un nouveau propriétaire, capable d’investir plus que 140 millions d’euros. Les éditeurs ont besoin de papier couché». La demande de nationalisation temporaire, adressée mercredi au préfet de Dordogne Jean-Sébastien Lamontagne, sera détaillée par les élus locaux lors d’une conférence de presse organisée avec les salariés ce jeudi en fin de journée. Le préfet a, de son coté, prévu de réunir les protagonistes vendredi en début d’après-midi.
«Or, le sujet de cette réunion est la revitalisation économique pour recréer de l’emploi sur notre territoire. Nous pensons qu’il faut d’abord tenter d’éviter des suppressions de postes et nous battre maintenant, alors que les discussions sur le PSE doivent s’achever le 11 octobre prochain », appuie Francine Bourra. « Le cabinet Secafi (mandaté par le CSE, ndlr) estime que l’activité de papier couché (utilisé pour les livres, les cartes de visite ou encore les brochures, ndlr) et réalisée par la machine 4, à l’arrêt depuis fin février, est viable et que ce site a de l’avenir, mais que Lecta ne peut pas l’assurer. Un repreneur potentiel s’est d’ailleurs déjà manifesté auprès de nous », ajoute Dominique Bousquet, sans dévoiler le nom de ce dernier.
À lire aussiL’inquiétude grandit sur l’avenir des Papeteries de Condat
À ce jour, Lecta n’est, officiellement, pas vendeur de son site, qui a cumulé près de cent millions d’euros de pertes en dix ans. Le quatrième papetier européen – 3 000 salariés, sept usines et un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros – souligne au contraire les efforts consentis en trois ans pour modifier à la fois la seconde ligne de production de Condat, produisant désormais des étiquettes, et surtout pour moderniser le site. Soutenu par la région à travers un prêt de 19 millions d’euros et par l’État à travers une subvention de 14 millions d’euros, l’industriel – détenu par les fonds d’investissement anglo-saxons Cheyne Capital et Apollo, ainsi que le français Tikehau – construit notamment une chaudière biomasse pour décarboner la production de vapeur.
«Nous regrettons bien entendu que Lecta ait décidé de réduire l’activité sur son site français plutôt qu’en Espagne ou en Italie. Nous sommes en contact régulier avec les salariés pour que les négociations sur le PSE se déroulent le mieux possible. Nous échangeons également régulièrement avec la direction et veillerons à ce que les investissements promis, pour lesquels l’intégralité des financements n’ont pas encore été versés, soient réalisés afin que ce site puisse redevenir compétitif, se maintenir et à terme se redévelopper », explique-t-on au Ministère de l’Industrie.
L’hypothèse de la nationalisation, même temporaire, ne semble nullement envisagée par le gouvernement. Il faut dire qu’une telle mesure n’a été prise récemment que pour les Chantiers de l’Atlantique, qui produisent notamment des bateaux militaires, et motivée par la nécessité de protéger la souveraineté. Ce même motif ne peut pas être évoqué pour Condat, «même si ce site est le dernier à produire du papier couché en France est que Condat est une marque reconnue. Personne ne remet en cause le fait que la demande soit en forte baisse en raison du développement du numérique et pour des motifs environnementaux», ajoute cette même source. Le marché du papier couché devrait baisser de 40 % cette année, faisant craindre une poursuite de la situation surcapacitaire malgré la réduction des cadences réalisée par tous les papetiers européens. Sur le continent, l’offre est déjà passée de 10,2 millions de tonnes en 2007 à 4,6 millions en 2022, mais pour une demande de seulement 2,9 millions de tonnes d’après Eurograph.