Pour répondre à la colère des agriculteurs et à leur dénonciation d’une concurrence étrangère jugée illégale, le gouvernement a annoncé jeudi de nouvelles mesures. Parmi elles, l’organisation de «plus de 10.000 contrôles» cette année sur les produits vendus en grandes surfaces et dans les marchés pour vérifier leur provenance. «Il est inacceptable que cette origine France, signe de qualité, soit galvaudée et contournée […] au détriment de la production de nos agriculteurs», a lancé jeudi le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avant d’ajouter «qu’il est hors de question qu’il y ait tromperie sur la marchandise».
Pourtant, certains producteurs n’hésitent pas à apposer un drapeau français sur les emballages de leurs produits, alors qu’ils proviennent en réalité de l’étranger. «Par exemple, on a déjà épinglé un négoce d’huile d’olive des Baux-de-Provence qui provenait en réalité d’Espagne», relève Rémy Slove, porte-parole de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Avec cette supercherie, l’entreprise d’huile d’olive a pu vendre ses bouteilles plus cher et engranger un bénéfice de 172.000 euros en deux mois, simplement grâce à une étiquette tricolore. Mais finalement épinglé par la Répression des fraudes, le gérant a écopé de 24 mois de prison avec sursis.
Pour déceler ces pratiques commerciales trompeuses, la DGCCRF se sert de plusieurs dispositifs. «On s’appuie d’abord sur la traçabilité des produits en vérifiant la facturation de l’entreprise, autrement dit ce qui rentre dans les stocks et ce qui en ressort.» Par exemple, si une quantité importante de matières premières provient d’Italie mais que le produit est étiqueté «made in France», des soupçons émergent. «On dispose également d’un autre outil très précieux : les prélèvements. Par exemple, on est capable de dire assez précisément les origines des fleurs incorporées dans du miel.» Si une fleur n’existe pas – ou très peu – en France, c’est un bon indice pour la Répression des fraudes.
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Mais avec des milliers de références dans les rayons, comment cibler les plus problématiques ? «On réalise des pré-ciblages sur les produits les plus caractéristiques», comme les fruits et légumes, les vins et spiritueux ou les produits d’origine animale. «On a une attention particulière sur les produits dont on sait que les productions étrangères se chevauchent avec la production française», complète Rémy Slove. En 2023, 25% d’anomalies ont ainsi été repérées sur les huiles d’olives, parmi une quarantaine d’établissements. Un résultat presque similaire a été constaté pour les légumes, avec «à peu près 26% d’anomalies» signalées l’an dernier. «Sur 500 opérateurs contrôlés, une grosse cinquantaine a reçu des procès-verbaux concernant des pratiques commerciales trompeuses, 20 ont reçu des injonctions de mise en conformité et 60 ont reçu des avertissements», détaille le porte-parole.
Pour Rémy Slove, ces contrôles sont «d’autant plus importants que de plus en plus de consommateurs se tournent vers les produits français pour la défense du patrimoine agricole, des raisons biologiques ou l’usage moins important de pesticides» par rapport à nos voisins européens. Côté consommateur, difficile de repérer les anomalies dans les rayons. Il est toutefois possible d’analyser les étiquettes, comme le conseille la Répression des fraudes : «La face d’un produit peut afficher un logo d’un drapeau français alors qu’une origine différente peut être marquée au dos.» Si un produit vous paraît suspect, «il ne faut pas hésiter à faire un signalement sur SignalConso », rappelle Rémy Slove.
Les acteurs jouent gros à falsifier la provenance de leurs produits. Ils risquent 300.000 euros d’amende et jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires, auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à deux ans d’emprisonnement. L’année 2024 s’annonce donc chargée pour la Répression des fraudes, qui assure mobiliser ses effectifs sur «la francisation, la défense du patrimoine agricole français et la protection des consommateurs».